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REVUE PÉDAGOGIQUE

Ainsi défini, le rôle me paraît très vrai, très utile et possible à remplir.

Le programme de l’instruction élémentaire y sera réduit au strict nécessaire, mais sans que le principal y soit jamais sacrifié à l’accessoire.

L’essentiel est et restera l’enseignement de la langue française, non pas celui de la correction de la langue apprise par la grammaire, puisque la règle ne peut être utilement enseignée qu’à ceux qui possèdent déjà l’usage, mais celui de la langue parlée, devançant et préparant la connaissance de la langue écrite et correcte, son complément nécessaire…

Je n’ai pas besoin de dire qu’une place est faite au calcul et au système métrique. Les indigènes ne sauraient rester étrangers à une étude si nécessaire pour laquelle, d’ailleurs, ils montrent partout les dispositions les mieux marquées.

Mais il a aussi paru impossible de ne pas inscrire dans les programmes quelques notions de géographie et quelques éléments d’histoire de France. Comment préparer les jeunes générations indigènes de l’Algérie à s’attacher à la France, à la considérer comme la patrie commune des habitants de la métropole et de ceux de la colonie, si on ne leur fait pas entrevoir ce qu’est cette France, la place qu’elle tient dans le monde, la richesse de son sol, les progrès de son agriculture, la prospérité de son industrie et de son commerce, les grands hommes qui l’ont illustrée, la part qu’elle a prise dans les grands événements qui ont fait les nations telles qu’elles sont aujourd’hui ?…

Ces divers enseignements, conçus de façon à donner aux Kabyles et aux Arabes des connaissances utiles, tout en préparant leur rapprochement, leur assimilation progressive, doivent être évidemment complétés par des leçons de morale.

L’école est ouverte à l’indigène pour l’instruire et surtout pour le moraliser. S’il est utile d’apprendre à lire, à écrire et à calculer, il est indispensable de penser honnêtement et de bien agir. Le savoir n’a de prix que par l’usage qu’on en fait ; il ne profite guère s’il ne rend meilleur…

L’Arabe qui a fréquenté l’école se reconnaîtra non à ce qu’il sait, mais à ce qu’il fait ; il se distinguera des autres indigènes par une probité plus scrupuleuse, des mœurs plus douces.

Ce résultat dépend en grande partie de l’action que le maître exerce individuellement sur chaque enfant ; mais il a pour facteur essentiel l’esprit général des élèves ; il faut entendre par là l’ensemble des dispositions qui les animent, des sentiments qu’ils nourrissent à l’égard de l’école. Il dépend du maître de créer autour de l’enfant une atmosphère saine dont il respire presque à son insu le parfum de bonté, et qui le pénètre insensiblement. Le milieu moralisateur sera formé de concessions réciproques, de l’exemple des plus