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L’EXERCICE PHYSIQUE, L’HUMEUR ET LA MORALITÉ

surtout chez l’enfant, est comparable à celle de la terre glaise ; elle est telle qu’il est possible de modifier leur consistance, leur énergie et leur forme par des efforts persévérants et convenablement gradués, et d’opérer ainsi à la longue, dans telle ou telle partie du corps, les plus étonnantes métamorphoses.

» Si les muscles en saillie des athlètes et leurs formes puissantes démontrent l’excellence des résultats de l’exercice physique, pourquoi les enfants de complexion délicate soumis à un entraînement régulier ne deviendraient-ils pas, dans de certaines proportions, agiles et vigoureux ? Cette éducation ne leur donnerait ni l’agilité des clowns ni la vigueur des athlètes, — car il faut tenir compte des aptitudes naturelles, — mais le résultat désiré serait atteint s’ils devenaient capables de supporter sans souffrir et sans faiblir les fatigues inévitables de l’existence.

» Les exemples de ce genre sont nombreux ; je connais des parents, instruits par l’expérience, qui n’ont pas hésité à recourir aux bons soins d’un professeur de gymnastique pour leurs enfants débiles.

» Je n’ai d’ailleurs nullement besoin de m’appuyer sur l’autorité d’autrui pour affirmer cette action reconstituante des exercices corporels ; j’ai fait moi-même des essais rapidement couronnés de succès. Désirant lutter à ma façon contre les progrès d’une affection nerveuse à l’état naissant, j’ai exécuté depuis six ans, chaque jour, les mouvements élémentaires de la boxe française, c’est-à-dire des mouvements énergiques des bras et des jambes, et j’ai constaté — en outre du bien— être général qu’ils m’ont procuré — que les muscles de mon bras gauche, privés d’une grande partie de leur souplesse et de leur force d’autrefois, à la suite d’un accident, étaient redevenus fermes, volumineux et relativement puissants.

» Si donc tous les enfants débiles et valétudinaires étaient soumis à une éducation physique appropriée à leur constitution et à leur état de santé, le nombre de ces déshérités de la nature, dans l’ordre corporel, serait considérablement réduit, et, par conséquent, le nombre de ceux pour lesquels la vie est un grand mal, un véritable fléau.

» Comment pourraient-ils aimer la vie lorsque leur santé fragile les oblige de prendre sans cesse des précautions minutieuses contre le mal toujours menaçant et de fuir les plaisirs réconfortants et sains de l’enfance vigoureuse et enthousiaste ?

» Fût-il atteint d’infirmités incurables mais qui lui permettent certains mouvements, l’enfant qui joue se métamorphose sans délai ; j’ai vu des enfants perclus, d’ordinaire mélancoliques, prendre follement part à des ébats de leurs camarades et recouvrer pendant ces heures de passion et d’oubli la gaîté exubérante de leur âge.

» Si l’affaissement des forces physiques est la conséquence d’excès, l’assujettissement à un régime hygiénique des plus sévères et à des exercices corporels réguliers peut enrayer, dans beaucoup de cas, la marche du mal et procurer à ces victimes des appétits déchaînés