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REVUE PÉDAGOGIQUE

par hectare, et même, dans le canton de Fort-National, de 118 habitants or la France ne donne une densité moyenne que de 68 habitants par hectare. Ce qui prouve qu’il ne s’agit pas ici d’une race inférieure appelée à fondre et à disparaître devant les progrès de la civilisation, c’est que l’accroissement normal de la population est, dans la Grande-Kabyle, de cinq mille âmes par an si les conditions actuelles ne sont pas modifiées, en moins d’un siècle elle est destinée à doubler. Dans ce pays le prix d’un hectare de terre est deux fois plus élevé que celui qui a cours en France, et de trente à cent fois plus élevé que celui qui a cours en pays arabe.

On a beaucoup discuté sur les caractères moraux des deux races berbère et arabe, mettant en contraste le Berbère, sédentaire, agriculteur et industriel, laborieux et économe, vivant en républiques démocratiques, et l’Arabe, nomade, pasteur et chasseur, paresseux et prodigue, excellent cavalier, pénétré de principes aristocratiques ; le premier plus apte à s’assimiler la civilisation française. le second réfractaire à nos idées et à nos mœurs. Les origines ethnographiques ne jouent peut-être pas le premier rôle dans la question. Il est en Algérie peu d’Arabes purs et peu de Berbères purs : un grand nombre de tribus classées comme arabes, à cause de la langue qu’elles parlent, sont des Berbères arabisés. C’est en ce sens que M. Pauliat a pu dire à la tribune du Sénat que les Berbères forment les deux tiers de la population musulmane. En outre, quand on parle de Berbères, il faut se garder de croire que la race qui occupait l’Algérie avant les invasions arabes fût homogène, ni qu’elle fût entièrement composée des anciens Maures ou Numides. Pour la désigner nous nous servons, faute de mieux, de l’épithète de berbère. Mais aux habitants primitifs du pays se sont mêlés beaucoup d’éléments asiatiques et européens. Que sont devenus les petits propriétaires carthaginois ? Que sont devenus les colons que Rome avait appelés dans sa conquête de toutes les provinces de l’Empire, les esclaves de race italienne, espagnole, gauloise, germanique, gothique, grecque, slave, syrienne, égyptienne, que la traite des blancs dans l’ancien monde avait amenés dans les villes et les campagnes de l’Afrique ? Que sont devenus même ces Vandales et ces Goths, que les flottes de Genséric jetèrent sur ces rivages et qui tous n’étaient