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REVUE PÉDAGOGIQUE

haut degré le sentiment de la liberté politique. Comme les Romains dont descendent une partie d’entre eux, ils ont le sentiment de la légalité et du droit : aux administrateurs français ils demandent volontiers en vertu de quel texte on prétend leur imposer telle obligation.

Ils ont le sentiment de la dignité humaine : tandis qu’il est ordinaire de voir les Arabes prier l’instituteur français de fustiger leurs enfants, les Kabyles se montreraient offensés d’une chiquenaude donnés à leurs rejetons. Le recteur d’Alger a dû faire passer du pays kabyle en pays arabe un instituteur qui avait la main leste.

L’indigène du Djurdjura, loin de repousser le bienfait de l’instruction française, loin d’être affligé d’une incapacité ethnique à la recevoir, témoigne au contraire d’une bonne volonté souvent exemplaire. Il comprend combien cette instruction pourrait lui être utile pour son agriculture, pour son industrie, pour son commerce, pour toutes les affaires qui l’appellent devant nos administrations et devant nos tribunaux. Seulement il veut une instruction non confessionnelle, parce qu’il se considère comme bon musulman ; il la veut pratique, parce qu’il est pauvre et qu’il abesoinde « gagner sa vie ». Sans doute il y adans lepays des réfractaires de l’école, mais beaucoup moins que ne l’assurait au Sénat M. Mauguin. Jamais les écoles fondées en Kabylie n’ont été désertées complètement, même quand l’obligation scolaire — qui d’ailleurs n’existe aujourd’hui que dans l’ancien cercle de Fort-National, — n’existait nulle part. Elle n’existe pas à Tizi-Ouzou, et, tout comme M. Berthelot, j’ai trouvé l’école remplie, quoiqu’on n’eût pas eu le temps de la « bonder » pour ma visite, ni d’y préparer un trompe-l’œil scolaire « à la Potemkin » [1].

Je voudrais ajouter quelques mots sur la situation faite à la femme dans la Grande-Kabylie, car nous devons en tenir grand compte au point de vue de nos écoles, et l’éducation des filles

  1. Discours de M. Mauguin au Sénat, 2 mars 1891.