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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

le prix si haut que cela équivaut à l’interdiction des secondes noces.

Cette facilité de divorce explique en partie pourquoi le Kabyle n’est point polygame : du moins il ne l’est que successivement. L’autre raison, c’est qu’il est pauvre. Ajoutons que le sentiment public est contre le mari qui pratiquerait la polygamie simultanée.

D’après certains kanoun, le décès même du mari ne libère pas la femme elle reste pendue au mort ; elle fait partie de la succession ; les héritiers du défunt disposent d’elle comme de leur chose ; ils ont le droit de la remarier, c’est-à-dire de la revendre à leur profit.

D’après d’autres kanoun, la femme est libérée par le décès du mari ; mais ce n’est que pour retomber sous la tutelle de son père ou de ses parents paternels : elle est de nouveau à vendre.

Le seul adoucissement à son sort, c’est que désormais elle est consultée sur le choix de son maître ; du moins elle peut repousser le premier qu’on lui propose, puis un second ; mais elle est forcée d’accepter le troisième.

Telle est la destinée de la femme kabyle : perpétuelle mineure, perpétuel objet de trafic, — jusqu’à ce que « l’âge ait comme effacé son sexe », ou que, veuve et mère de fils, elle soit protégée, émancipée, en quelque sorte rachetée par eux de la tutelle et de l’exploitation paternelles.

J’ai parlé des lois pénales qui semblent protéger la femme kabyle contre les insolents et les entreprenants ; mais si elles punissent d’amende l’homme qui ose lui parler sur le chemin ou l’attendre à la fontaine, ce n’est pas sa pudeur qu’elles défendent, c’est la propriété d’un père avide ou d’un mari jaloux qu’elles garantissent.

Toutes ces coutumes, tous ces articles du kanoun qui s’accordent à ravaler les femmes kabyles au niveau de l’esclave, comment peuvent-ils s’accommoder avec ce que l’histoire nous apprend du grand rôle politique ou héroïque joué par certaines d’entre elles ?

Sans remonter jusqu’à la Kahina, la grande reine des Berbères, qui, au viie siècle, réunit toutes les tribus indigènes contre l’invasion arabe, opposa aux hordes conquérantes les flammes d’une