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REVUE PÉDAGOGIQUE

dévastation systématique et tomba couverte de blessures sous les murs de Bagaïa sa capitale, que d’autres noms on pourrait citer !

Est-ce de ce troupeau de femmes abruties par l’esclavage, le dur labeur et le misère sordide, qu’est sortie cette Lalla-Khédidja, la sainte, la maraboute, la prophétesse du Djurdjura qui, tout en tournant la meule de son moulin à bras, humiliait la morgue des tolbas, comme l’enfant Jésus confondait la science des prêtres et des Pharisiens ?

Est— ce l’une d’elles, cette autre Lalla-Khédidja qui, si longtemps, vers 1840, maintint autour du tombeau miraculeux de Bou-Kobreïn la confrérie des Rahmanya menacée par les discordes intestines, et disposa du souverain-pontificat en faveur des plus méritants ?

Est— ce l’une d’elles, cette Lalla-Fatma qui, en 1857, prophétisait sous les frênes de Sommeur, insurgeait contre nous la Kabylie orientale, et tombait entre nos mains comme prisonnière de guerre ?

Et ces autres femmes qui, dans les combats entre tribus, allaient relever les blessés sous le feu de l’ennemi, ramenaient au combat leurs maris et leurs fils, prenaient de leurs mains expirantes le long fusil à garniture d’argent, et, au nombre de quatorze dans une seule affaire, tombaient de la mort des braves ?

Cette femme kabyle, traitée en bête de somme, si facilement répudiée « ainsi qu’une vieille bourrique » pour faire place à « une jeune perdrix », est-ce donc la même qui peut disposer de l’anaïa, c’est-à-dire qui peut, dès qu’elle a couvert un suppliant de sa robe, obliger d’honneur son mari à le défendre, engager dans la querelle tous les fusils du çof ou de la kbila ?

Est-ce donc la même que les confréries se font gloire de recruter et qui, devenue khouatate (sœur) ou moqaddema (prieure), se montre aussi ardente ligueuse que les khouan ou les moqaddem ?

Après tout, les Kabyles ne sont pas le seul peuple où la femme puisse, à la fois, n’être rien et être tout, paraître moins qu’une esclave et se révéler plus influente qu’un chef. Regardez bien dans certaines de nos campagnes de France.

Pour en revenir à nos écoles, cet exposé peut expliquer pourquoi les montagnards de l’Atlas nous offrent leurs filles