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DE LA DICTÉE
COMME MOYEN D’ENSEIGNER L’ORTHOGRAPHE



C’est un fait que la dictée est toujours l’exercice prédominant dans nos écoles primaires et celui sur lequel les maîtres comptent le plus pour apprendre à leurs élèves l’orthographe. La plupart des emplois du temps en comptent trois par semaine, et jamais la dictée ne cède sa place à aucun autre exercice, tandis que, pour une raison quelconque, il arrive souvent qu’elle remplace tantôt celui-ci, tantôt celui-là. C’est qu’aussi, dans presque tous les examens, à commencer par celui du certificat d’études primaires, l’épreuve de la dictée est éliminatoire, sinon en droit, du moins en fait : ne pas échouer à la dictée, c’est tout d’abord pour un candidat avoir de grandes chances d’être reçu. Il semble dès lors que le maître ne puisse pas faire trop de dictées pour préparer ses élèves, et souvent même, à l’approche de l’examen, certains en font plusieurs par jour. Et puis, l’exercice est si commode ! On prend un livre ou un journal, quelquefois le premier venu ; on en dicte une page ; on fait épeler et l’on corrige. Les élèves sont occupés, la discipline est facile : aucune fatigue d’ailleurs.

J’ai pensé souvent, et j’ai dit ici même[1], que la dictée n’était peut-être pas le meilleur moyen à employer pour enseigner l’orthographe, et qu’il y en avait sans doute d’autres qui seraient plus prompts, plus sûrs et plus efficaces. Mais voici mieux. Dans un article de la Revue universitaire[2], M. Payot, inspecteur d’académie à Privas, va jusqu’à dire « qu’il serait presque tenté de croire que, si nos enfants apprennent l’orthographe, ce n’est pas par la dictée (faite comme on la fait presque universellement), mais malgré la dictée », et il apporte à l’appui de son opinion des raisons psychologiques et physiologiques dont il est difficile de méconnaître la portée. Il serait regrettable que cet article passât inaperçu des lecteurs de la Revue pédagogique, que la chose intéresse particulièrement.

  1. Voir le numéro du 15 avril 1894.
  2. Numéro du 15 juin 1896