Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1896.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
499
DE LA DICTÉE COMME MOYEN D’ENSEIGNER L’ORTHOGRAPHE

On admettra sans doute que l’orthographe (il ne s’agit ici, bien entendu, que de l’orthographe usuelle) est plutôt affaire de mémoire que de raisonnement. Que ceux qui ont étudié le latin et le grec puissent parfois être guidés dans leur manière d’écrire un mot par les lois de la phonétique et de la dérivation, peut-être bien : encore auraient-ils tort de trop s’y fier. Que de fois le raisonnement leur ferait commettre des fautes ! Mais pour les élèves de nos écoles primaires, la question ne se pose même pas. Dès lors, si le maître dicte un mot que l’élève ne connaît pas, que va-t-il arriver ? Il cherchera dans sa mémoire la forme de ce mot ; mais si elle ne s’y trouve pas, il fera un effort de logique. « C’est dire assez qu’il est perdu, dit M. Payot, la logique n’ayant rien à voir dans cette affaire. » Sans aller tout à fait jusque-là, il faut convenir que les raisonnements par analogie auxquels il pourra recourir l’induiront souvent en erreur (honneur et honorable, oreille et auriculaire, par exemple) ; et l’on ne peut guère ne pas partager l’avis de M. Payot disant que, « quelque effort d’intelligence qu’il fasse, il ne peut trouver l’orthographe d’un mot qu’il ignore ». Donc, s’il se rencontre dans la dictée un mot que l’élève ne connaît pas, ou même qu’il connaît, mais sans savoir comment ce mot s’écrit (et c’est pour les mots de ce genre surtout que l’exercice serait utile), il ne peut que reproduire ce qu’il entend ; et en admettant même que ce mot ait été bien nettement articulé par le maître, si l’orthographe n’en est pas absolument phonétique, forcément il l’écrira mal. En tout cas, l’écrivit-il bien que ce serait par pur hasard, sans raison aucune, partant sans qu’on puisse dire qu’il y ait vraiment pour lui savoir acquis. Donc enfin, pour qu’un élève puisse écrire convenablement un mot quelconque, qui ne s’écrit pas absolument comme il se prononce (et le nombre en est grand dans la langue française), il faut, — à moins encore que ce mot ne lui soit épelé, ou que déjà il l’ait vu écrit quelque part, ou qu’il l’ait bien écrit lui-même et qu’il s’en souvienne. Pour qu’il puisse le retrouver par un effort de mémoire, il faut qu’il l’ait appris. L’orthographe ne se devine pas.