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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1900.djvu/222

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REVUE PÉDAGOGIQUE

dévouement de M. Boutan et lui parla d’un devoir à remplir. C’était s’assurer son acceptation.

Le ministre, libéral et éclairé, avait laissé au nouveau proviseur la plus grande latitude. M. Boutan fut maître d’organiser à Saint-Louis un système nouveau d’enseignement scientifique. Quelques sages réformes, aussi pratiques que peu bruyantes, suffirent à rendre au vieux collège d’Harcourt sa prospérité. Saint-Louis acquit dès lors la réputation de notre plus brillant lycée de sciences.

Disciplinaire aussi ferme que paternel, M. Boutan savait admirablement se faire obéir. Il avait sans effort le ton du commandement ; nous le redoutions, sans cesser de l’aimer.

Toutefois les fonctions de proviseur lui agréaient peu. Il était cependant admirablement secondé par un collaborateur d’élite. « Je vous donnerai le roi des censeurs », lui avait dit M. Duruy pour le décider. M. Ohmer méritait bien ce jugement flatteur d’un ministre qui ne prodiguait pas les compliments. L’activité de ces deux hommes, étroitement unis dans la pratique du mème devoir, était vraiment admirable. Nous étions enclins à penser, au lycée Saint-Louis, que le proviseur et le censeur étaient pourvus du don d’ubiquité. Chers vieux maîtres de notre enfance, ils ne vous ont pas connus, ceux qui prétendent que l’Université ne compte pas dans ses rangs des éducateurs…

Lorsque Saint-Louis fut réorganisé, M. Boutan demanda et obtint un poste d’inspecteur d’académie à Paris. Ses premiers loisirs, il voulut les consacrer à la physique : le traité qu’il publia, en collaboration avec d’Almeida, a fait longtemps autorité.

En 1873, sur les instances de M. Bathie, il devint directeur de l’Enseignement primaire au ministère de l’instruction publique. Dans ce poste écrasant, M. Boutan se révéla administrateur hors de pair. Celui qui écrit ces lignes à eu le rare honneur de le voir à l’œuvre, placé tout près de lui, dans un poste très humble, mais très intime. Il suffisait de le regarder faire pour apprendre à bien servir l’État. Il était laborieux, équitable, très digne avec les puissants, très bienveillant pour les petits. Il donnait de la grâce et de la chaleur aux circulaires les plus ardues, il faisait preuve, dans les commissions et dans les conseils, de l’éloquence la plus entraînante. On s’instruisait en lui obéissant ; on ne s’instruisait