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penjon. — la métaphysique de j. ferrier

ainsi des choses elles-mêmes. Comment soutenir, par exemple, qu’une montagne est toujours en mouvement, qu’une forêt de chênes paraît et disparaît tour à tour, qu’une pierre est composée de parties qui se renouvellent sans cesse ? C’est évidemment de nos connaissances qu’il s’agit ; c’est en ce sens surtout que ces philosophes dissertent sur la perpétuelle mobilité de la terre et du ciel. Leurs commentateurs n’ont pas remarqué que la théorie de la connaissance et celle de l’être étaient alors confondues, et, en présentant la doctrine du changement continuel des choses sensibles comme une doctrine ontologique, ils ont fait le plus grand tort et à la science elle-même et à ceux qui l’ont les premiers cultivée.

Il est facile de comprendre que la connaissance de la matière soit mobile, changeante ; nous ne connaissons pas toujours une même chose ; nous y pensons et cessons d’y penser tour à tour ; nous pensons à d’autres choses. Pour l’épistémologie, par conséquent, le particulier est aussi, par opposition à l’universel, au moi, essentiellement mobile et changeant. Le contraste entre les deux éléments de la connaissance, est manifeste.

La septième contre-proposition, d’après laquelle le moi est une connaissance particulière et non l’élément commun, d’après laquelle l’unité des connaissances consiste non en ce qu’elles sont nôtres, mais simplement en ce qu’elles sont toutes des connaissances, exprime la contradiction admise par le vulgaire et par les psychologues. Ces derniers, par leur légèreté, se privent ainsi du seul argument sur lequel on puisse raisonnablement s’appuyer pour prouver l’immatérialité du moi, de l’esprit, du sujet pensant ; car cette septième proposition et la sixième sont les seules prémisses qui conduisent à cette conclusion, formulée dans la huitième proposition des Institutions de métaphysique :

« Le moi ne peut être connu comme matériel, c’est-à-dire que, par une loi nécessaire de la raison, il ne peut être perçu par les sens : » il serait en effet connu à la fois comme le trait commun à toutes les notions et comme particulier à quelques notions, ce qui est contradictoire, etc., etc. Cette démonstration peut se faire de plusieurs manières. Il est bien entendu d’ailleurs qu’il s’agit de la connaissance du moi, non de son existence. Nous proclamons ainsi cette loi importante : Aucune intelligence ne peut se connaître elle-même comme matérielle.

D’après la huitième contre-proposition, il n’y a pas de loi de raison pour établir que le moi ne puisse être connu par les sens. Il est à remarquer que les spiritualistes l’admettent aussi bien que les matérialistes. Pour ceux-ci, il n’y a de réel que la matière ; l’esprit