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traction de différents corps célestes, à des distances et avec des masses différentes et dont le mouvement ne paraîtrait être influencé par aucun d’eux, c’est-à-dire paraîtrait libre. M. Kirkman en conclut que la lune est le corps céleste que H. Spencer avait en vue. Il ne s’arrête pas à examiner si ce ne serait point plutôt quelque corps céleste tel que les comètes. Mais il « s’étonne que les amis de M. Spencer ne lui aient pas fait remarquer que la lune ne semble pas libre du tout, qu’elle ne parait point errer dans une ligne mal définie ; que son mouvement n’est point en apparence à l’abri de l’influence d’autres corps, quoique M. Spencer ait écrit et imprimé toutes ces choses incroyablement stupides. »

En résumé, on peut dire que les arguments de M, Kirkmann ont toute la force logique et la bienséance qui distinguent généralement les élucubrations des « country-parsons ; » et si nous en avons dit quelques mots ce n’est que pour permettre au lecteur de juger l’exaspération causée en Angleterre par les magnifiques travaux des philosophes contemporains. Car pour qu’un pareil ouvrage soit l’objet de louanges systématiquement exagérées, il faut que les facultés critiques des adversaires de l’école expérimentale aient complètement perdu leur équilibre.

E. L.


R. S. Wyld. F. R. S. E. The Physics and Philosophy of the Sensés : or, the mental and the Physical in their mutual relations. — London, Henry S. King et Co.

Si l’on proportionnait l’estime à la grosseur d’un livre, M. Wyld aurait droit à une part considérable. Malheureusement, l’auteur trouve moyen d’avoir, sur six parties, quatre inutiles ou hors du sujet. Il a beau faire appel à nos sentiments religieux, nous parler de l’Esprit Infini, « source de toutes les forces que nous observons dans l’Univers », nous dire que notre conscience nous fait connaître l’union de l’Intelligence avec la puissance, ce qui justifie l’inférence que la Sagesse Infinie et le Pouvoir Infini coexistent nécessairement et éternellement… On se sent néanmoins disposé à lui rappeler que ces doctrines n’affectent point le sujet en question. Il en est de même de ses confidences : quand il dit que quoique sa vie ait été « mercantile and professional, » il a toujours eu beaucoup de goût pour la philosophie, et que sur le bord de la tombe, il a le bonheur de pouvoir donner un libre cours à ses penchants et « instruire ses semblables. » Nous ne le troublerons point par la critique de ses esquisses (de seconde main), de Platon, Descartes, Locke, Berkeley et Kant. Quand un auteur, au milieu d’un raisonnement qui a quelques prétentions philosophiques, résout une difficulté en affirmant que c’est ainsi parce que « l’Esprit Infini » l’a voulu ainsi, il acquiert de n’être critiqué que par ceux qui sont favorisés comme lui de lumières surnaturelles.

E L.