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delbœuf. — logique algorithmique.

que les étoiles fixes doivent manifester des mouvements propres accusant l’existence de leurs satellites. Et un jour, en effet, on constate ces mouvements, et l’on détermine le lieu et la masse de planètes hypothétiques. Puis un autre jour on découvre le satellite de Sirius, puis celui d’autres étoiles encore, et la proposition, d’abord hasardée, reçoit un commencement de démonstration expérimentale jusqu’à ce qu’elle finisse par être universellement admise.

Telle a été la marche de toutes les sciences dont les découvertes sont récentes, et que nous avons vues se créer, pour ainsi dire, sous nos yeux.

III. — Des moments du développement des sciences.

L’examen des faits particuliers, c’est-à-dire la comparaison des phénomènes connexes, à l’aide de la mesure et du calcul, conduit à des lois, propositions générales exprimant les rapports constants, immuables de ces phénomènes. Quand la science naissante est en possession d’un nombre plus ou moins considérable de lois semblables, on risque des hypothèses, on énonce des principes. Ces principes renferment, sous une forme prudente, une assertion sur les caractères de la cause des phénomènes[1]. Naturellement, il faut que les principes expliquent d’abord tous les phénomènes jusqu’alors constatés. Mais là ne se borne pas leur action ; ils servent en outre à faire de nouvelles découvertes. En effet, si on leur applique les règles de raisonnement que l’on est en droit de regarder comme légitimes, vu l’usage qu’on en a fait antérieurement avec succès, on en tire, par voie de déduction, des conséquences pour le moment purement logiques. Si les faits sont. contraires à ces conséquences, les principes qu’on a énoncés sont à rejeter. Mais si les faits vien-

  1. Il ne faut pas prendre ces mots à la lettre : la science positive ne s’égare pas dans la recherche des causes intimes, et, quand elle énonce un principe, c’est sous cette forme dubitative et modeste : Les choses se passent comme si les phénomènes avaient telle ou telle cause, par exemple, comme si les corps étaient attirés l’un vers l’autre en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances ; ou bien — autre exemple — comme si les vibrations lumineuses étaient transmises par un milieu élastique dont les molécules se meuvent perpendiculairement au rayon de propagation. La science n’a donc pas la prétention de rien affirmer sur l’essence des choses, sur l’essence de la force qui maintient les corps célestes dans leur orbite, ou sur l’essence de la lumière. De plus, quand de nouveaux faits surgissent qui semblent échapper à l’hypothèse, on complète celle-ci par des hypothèses accessoires : c’est ainsi qu’on a dû admettre que l’éther n’est pas mû par le mouvement des corps qui s’y meuvent ; puis, plus tard, qu’une partie de l’éther renfermée dans les corps est entraînée avec eux.