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delbœuf. — logique algorithmique.

thèse de l’attraction universelle. Déjà lui-même la soumet à des vérifications ; il reconnaît que la force qui attire vers la Terre les corps pesants, est la même que celle qui maintient la Lune dans son orbite. La découverte de la rotation de l’anneau de Saturne, celle de la planète Neptune, confirmèrent d’une manière éclatante la certitude de ce grand principe ; et lorsque, dans ces dernières années, on a cru devoir expliquer les inégalités des mouvements de Sirius par l’existence d’une planète qu’on a fini par apercevoir, il a reçu, pour ainsi dire, une consécration suprême qui montre que tout l’univers visible lui est soumis.

L’hypothèse de Kant sur l’origine de notre système planétaire, que Laplace imagina de nouveau en lui donnant l’autorité de sa vaste science, reçoit une démonstration inattendue par l’analyse spectrale qui établit l’identité des éléments chimiques de notre univers. Nous avons donc vu, pour ainsi dire, s’établir de nos jours la certitude, on peut dire absolue, de propositions de la plus haute importance.

Mais, dira-t-on, ce sont des propositions expérimentales ; les propositions rationnelles échappent à cette explication. N’est-ce pas, répondrons-nous, un principe rationnel que rien ne vient de rien, et que rien ne retourne à rien, formulé par Lucrèce, par Épicure, par Démocrite, et, sans doute, par des penseurs plus anciens encore ? Et c’est dans les temps tout modernes qu’on en a donné la première démonstration expérimentale. Mais si cet axiome, qu’on prétend être évident par lui-même, a, pour cette raison, été connu dans l’antiquité la plus reculée, comment se fait-il que le principe de la conservation de la force, qui est à mettre sur la même ligne, dont les conséquences sont au moins aussi fécondes, et dont l’évidence est aujourd’hui palpable, comment se fait-il qu’il n’a été mis au jour que vers le milieu du xixe siècle ? N’est-ce pas une preuve incontestable que l’évidence des principes est une propriété acquise, consécutive, et susceptible d’augmentation et de diminution ?

On peut donc diviser la marche des sciences en cinq moments ou périodes. Certaines d’entre elles les ont parcourues toutes, d’autres en sont restées à la première.

Période d’observation. On collectionne des faits et on les classe (botanique, zoologie, et, en général, les sciences biologiques).

Période de généralisation. On découvre des lois, on hasarde des hypothèses aussitôt renversées qu’énoncées (géologie, chimie, etc.)

Période de symbolisation. La science d’observation a son couronnement ; on formule une hypothèse suprême d’où l’on peut