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en général pas de terme de comparaison commun, elles n*ont pas d’unité. Cependant la quantité se comprend seulement en tant qu’exprimée par un nombre, soit fractionnaire, soit irrationnel. De là, les longueurs, les surfaces, les vitesses, les masses, les forces, considérées sous le rapport quantitatif, sont, en dernière analyse, représentées par des nombres.

Introduisons une nouvelle différence. Les unités peuvent dans les groupes qu’elles forment prendre toutes les positions possibles. Des cailloux, par exemple, peuvent se disposer d’un nombre infini de manières différentes. Je puis faire entrer en ligne de compte l’arrangement ; alors je m’occupe de la figure. La géométrie est la science des figures. Une figure est définie quand on donne la position de ses différents points[1]. En thèse générale, cette position est fixée par l’énoncé de leurs distances et de leurs directions par rapport à certains axes ou certains points de l’espace dont la position est regardée comme connue, distances et directions exprimées par des longueurs et des angles. Les longueurs et les angles étant des quantités, et les quantités s’énonçant au moyen des nombres, la géométrie s’appuie en définitive sur l’algèbre, et par elle sur l’arithmétique. Notons en passant qu’on ramène la géométrie des solides à la géométrie plane, et celle-ci à la géométrie rectiligne.

Toute figure se décrit par un mouvement de ses génératrices ; mais la géométrie considère la figure en tant seulement que décrite, et non dans sa description même. La parabole dessinée par un projectile est, pour elle, une parabole, peu importe la manière dont le projectile se comporte en chacun de ses points : ceux-ci ne diffèrent, pour elle, que par leur position. La mécanique fera intervenir un nouvel élément de différenciation : les points de la parabole seront étudiés sous le rapport de la vitesse dont y était animé le mobile. Vitesse virtuelle, mouvement de transport, force, telles sont les nouvelles idées dont s’occupera la nouvelle science[2]. La trajec-

  1. La figure comprend deux éléments, un élément algébrique : la grandeur, et un élément proprement géométrique, la forme. C’est en fondant la géométrie sur la notion de forme, définie hypothétiquement, que j’ai pu, dans mes Prolégomènes de la Géométrie, poser les principes et les démonstrations de cette science, tout en y introduisant plus de rigueur.
  2. Dans mon Étude sur la question du mouvement insérée à la suite de mon Essai de logique, je fais de la force, l’objet de la mécanique, et je la définis l’équivalent mécanique de la position géométrique. En mécanique on se demande, en effet, pourquoi un point donné, un grain de sable, par exemple, est à la place qu’il occupe, et cette place est l’expression adéquate de toutes les forces qui ont agi sur ce point pour le mettre là où il est. Partant de cette définition, j’ai engendré l’univers par l’expansion de la masse universelle concentrée en un point unique. Cette expansion, cette dilatation donne à chaque point matériel une force caractéristique en rapport exact avec sa position. Cette force c’est