Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
analyses. — ferrari. Teoria dei periodi politici.

tiens… Hegel fait une seule époque des cinq mille ans de la Chine… C’est le règne de la confusion. Que ne trouve-t-on pas dans un espace de dix mille ans ? Les guerres, les conquêtes, les fraudes, attribuées à une génération au lieu de l’être à une autre, s’y enchevêtrent de mille façons hétérogènes, discordantes, extravagantes. » L’interprétation des faits de l’histoire, livrée à l’arbitraire, n’est plus qu’un instrument au service des passions contemporaines. Donc, il faut fuir comme les plus funestes des chimères, non-seulement l’idée qu’il n’y a pas dans la vie de l’humanité des périodes déterminées dont le retour est aussi invariable que nécessaire, mais encore l’idée que ces périodes sont longues et peuvent contenir par exemple l’histoire d’un groupe de peuples, ou même d’un peuple unique.

Quelle est donc la mesure étroite qui rend raison de la succession des événements historiques ? Sur quel phénomène est pour ainsi dire taillée chaque phase de la vie sociale ? Sur la vie humaine, la vie de l’individu. Tous les hommes qui naissent ensemble forment une génération ; c’est la théorie de la génération politique qui sert de base à tout le système. « Pour nous la génération sera le premier élément de tout retour ; semblable au lever du soleil elle reste toujours la même, elle répète sans cesse le même drame dans toutes les époques, dans toutes les civilisations (p. 7). »

D’abord il faut distinguer entre la génération matérielle et la génération pensante. La première ne peut servir de base à la c statistique circulaire ». Elle comprend de longues années pendant lesquelles l’individu n’influe en rien sur les événements politiques. On comprend que les statisticiens ordinaires en tiennent compte ; ils recherchent la vie moyenne. Mais qu’importe par exemple à celui qui suppute les chances de retour de telle ou telle révolution que la vie moyenne soit diminuée par la mort précoce d’une fraction considérable de l’humanité : il ne doit tenir compte que des vivants, et à partir du moment où ils influent sur la marche des affaires publiques. Si la naissance est prise comme point de départ, il n’est pas vrai de dire que la durée d’une génération est de 30 ans ou un peu plus ; les hommes de 1840 sont loin en effet d’avoir cédé la place à ceux de 1870. « Ils en sont au contraire les pères, les tuteurs, les maîtres, les instituteurs ; capitaux, terres et fabriques sont entre leurs mains ; ils règnent dans les cours, dans les chambres, dans les tribunaux, dans les états-majors, dans les bureaux ; pas une administration, pas une entreprise dont les hommes de 30 ans au moins ne. soient les chefs (p. 9). » Il faut donc faire commencer plus tard la génération politique, c’est-à-dire au moment où l’homme entre de plain-pied dans la vie active, où il cesse d’être une « matière animée » dans la société pour y devenir un élément d’initiative, un propagateur de mouvement. En ce sens et à partir de cette limite la génération politique, commençant vers la pleine adolescence, dure en effet trente ans, puisque c’est vers soixante ans que sonne pour tous et partout, au gré des mœurs et des lois, l’heure de la retraite. En tenant compte des