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delbœuf. — logique algorithmique

on comprend très-bien ce que signifie 3 X 4, tandis que la signification de a X b n’est guère si simple. L’expression 3 X 4 est un nombre, comme 3 et 4 ; mais a X b n’est pas une quantité de même nature que a et b ; c’est, comme je l’ai dit, une autre espèce de quantité ; suivant les cas, ab et a peuvent différer autant qu’une surface et une longueur, ou que la distance et la vitesse, ou que la masse et le volume, etc., et ce que nous disons de ab et de a, s’applique parfaitement à abc et ab, et ainsi de suite. C’est de la même façon que la masse peut être représentée par une expression de la forme abcd.

Il suit de là que l’arithmétique et l’algèbre sont deux sciences différentes, quoique appartenant à la même famille. Comme suite naturelle de son hypothèse fondamentale, l’algèbre postule la possibilité d’étendre l’application des principes de la science des nombres aux quantités.

On ne peut inférer le degré de parenté de deux sciences en partant de l’analogie des notations. Par conséquent, si l’on emprunte, ce qui est de droit, certaines notations de l’algèbre pour les faire servir à la logique, il faut se tenir continuellement sur ses gardes, et éviter de confondre ces deux sciences si essentiellement différentes. Boole a donc tort de dire « que les dernières lois de la logique sont mathématiques dans leur forme, et qu’elles sont, excepté en un point, identiques aux lois générales du nombre »[1] Il peut y avoir coïncidence, ressemblance, mais non identité.

Génération des opérations inverses et des quantités dérivées. — Nous avons jusqu’à présent engendré directement les diverses espèces de quantités, et imaginé conventionnellement et librement les symboles au fur et à mesure de leur création. Nous allons voir des symboles naître spontanément par dérivation, réclamer une interprétation, et donner lieu à des règles particulières.

La marche à suivre est naturellement indiquée. Dès qu’une nouvelle quantité, exprimée par un symbole nouveau se présente, il faut la faire entrer dans les opérations déjà inventées, et voir si les règles connues lui sont applicables. On a, par exemple, créé le symbole ab représentant une nouvelle espèce de quantité ; on doit immédiatement le soumettre aux opérations précédemment déterminées, soient l’addition et la soustraction. On arrivera, par exemple, à poser l’égalité : ab ± ac = a (b ± c). Quant à la démonstration de cette égalité, elle repose sur une extension dont la légitimité n’est jamais admise que provisoirement, c’est-à-dire que tant qu’aucune

  1. Boole, analysé par Bain, Logic, I, p. 191. N’ayant pas le texte de Boole sous les yeux, il est possible que ma critique porte à faux.