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difficulté ne se révèle. En effet, si a, b et c sont des nombres, la démonstration est facile, mais elle cesse de l’être quand a, b, c sont des quantités continues. Ce qui prouve encore une fois que la démonstration ne va pas du général au particulier, mais du particulier au général — en attendant que la légitimité de l’analogie se justifie de plus en plus par la concordance des résultats.

De même, quand on appliquera la multiplication aux quantités de la forme ab, on arrivera à formuler l’égalité : ab + ac = ab + c, dont la légitimité ne peut se confirmer qu’a posteriori.

La première règle à suivre consiste donc à n’omettre aucun chaînon dans la chaîne des applications.

Je me contenterai de donner un spécimen de l’emploi de cette règle. Ce ne sera pas du temps perdu parce que les considérations que nous ferons valoir ici n’auront pas besoin d’être reproduites lorsque, en traitant la logique, nous retrouverons une matière tout-à-fait semblable.

La première opération inverse qui se présente, c’est la soustraction. Étant données une somme s = a + b et l’une de ses parties a, retrouver l’autre partie. La partie à retrouver s’écrit par convention s — a, et l’on dit de a qu’il est soustrait ou retranché de s. On a donc : s — a = b ; d’où : a + b — a = b. Donc, dans un polynôme, une expression de la forme a — a peut se supprimer sans inconvénient, ou, en d’autres termes, a — a = 0. On voit en outre que + b = b.

Si de cette même somme s je retranche b, il viendra : s — b = a + b — b = a, d’où l’on peut conclure que l’expression + b — b peut aussi se supprimer. Si l’on compare les deux expressions a — a, et + b — b, qui sont toutes deux égales à 0, on voit que le signe + placé devant une quantité a ou b n’en change en rien la valeur, conséquence que nous venions déjà de déduire ; donc a + (+ b) = a + b. Ce signe + qui s’accole comme résidu à la quantité, a donc une autre signification que celle du signe de l’addition.

Il ne faut pas croire que l’égalité a — a = 0, soit un axiome a priori. C’est, au contraire, une formule démontrable qui n’a d’emploi que dans certains cas déterminés, et qui a besoin d’être convenablement interprétée. Quand j’ai fait une lieue de chemin, et que je fais une nouvelle lieue en revenant sur mes pas, j’ai, algébriquement parlant, fait un chemin nul ; mais, en réalité, j’ai parcouru bel et bien deux lieues. Quand je mets deux poids égaux dans les deux bassins d’une balance, en fait ces poids s’ajoutent, mais, si l’on ne considère que la position du fléau, ils s’annulent. Cette règle n’est donc justifiable que sous certaines conditions ; le principe a — a = 0