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Paul dumont. — m. delbœuf et la théorie de la sensibilité.

côté faible, l’ouvrage se faisait remarquer par des qualités assez brillantes pour assurer la réputation de son jeune auteur, parmi les philosophes et les savants.

Cinq ans après, il faisait paraître un autre ouvrage, un Essai de logique scientifique, où l’on retrouvait les mêmes mérites et aussi les mêmes défauts : une grande justesse dans les vues générales, une insuffisance d’exactitude dans les applications particulières[1]. Cet ouvrage dénotait une étude approfondie et très-complète de toute la philosophie allemande depuis Kant. Dans la partie générale, l’auteur reprenait avec plus de développements, la théorie de l’induction et de la démonstration déjà exposée dans les Prolégomènes de la géométrie. Il abordait aussi avec une singulière hardiesse le problème de la certitude ; il montrait qu’il n’y a pas de critérium absolu de la vérité, qu’elle n’est qu’une conviction, une foi plus ou moins forte, et ne consiste que dans l’accord de la raison avec elle-même. « Une proposition peut être considérée comme vraie quand l’ensemble de toutes les propositions qui s’y rattachent soit comme prémisses, soit comme conséquences, en confirme l’exactitude. Il suit de là que l’évidence, non plus que la certitude, n’est jamais que relative. Tout ce à quoi il nous est donné d’atteindre scientifiquement, c’est à la certitude relative, c’est-à-dire à une probabilité plus ou moins grande. L’homme n’est jamais absolument certain de rien — scientifiquement parlant, pas même de sa propre existence… Je puise les motifs de ma foi en une proposition scientifique quelconque, dans l’accord de cette proposition avec les autres propositions admises comme vraies et avec les faits observés. Lorsque cet accord s’est suffisamment révélé, il y a pour moi raison suffisante de croire en la vérité de cette proposition. »

Quand il arrive à ce qu’il intitule « Critique et dogmatique spé-

    définition la démonstration du théorème que la droite est la plus courte entre deux points.

    Nous ne pouvons exposer ici la démonstration que croit donner M. Delbœuf du postulatum d’Euclide. Disons seulement qu’elle suppose la preuve de ce qui est précisément à prouver, à savoir que toute parallèle à une droite CK rencontrera une droite AB non parallèle à CK, ou inversement que par un point quelconque d’une ligne droite AB on peut toujours tirer une ligne parallèle à toute ligne non parallèle à AB. Toutes les preuves susceptibles d’être données de ces propositions seraient de la nature de ce procédé qui consisterait, pour montrer que toutes les lignes non parallèles se rencontrent, à les prolonger jusqu’à ce qu’elles se rencontrassent. Or c’est précisément ce procédé que les géomètres, et M. Delbœuf avec eux, ne trouvent pas d’une rigueur scientifique.

  1. Essai de logique scientifique, Prolégomènes suivis d’une étude sur la question du mouvement considérée dans ses rapports avec le principe de contradiction. Liège, 1865.