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ciales, » M. Delbœuf est moins heureux. Il est vrai que dans la plupart de ses erreurs, il ne fait que suivre certains logiciens allemands. Il introduit en logique des principes réels et métaphysiques à côté des principes formels. Il oppose le principe d’identité et le principe de causalité comme principes réels aux principes de contradiction et du tiers exclus comme principes formels. Le principe de causalité présente en effet à un si haut degré les caractères d’un principe réel et même physique, que nous avons peine à comprendre qu’on puisse le présenter comme un principe logique ; pour justifier le caractère qu’il lui prête, il aurait fallu que M. Delbœuf s’expliquât sur l’origine de la notion de cause, et c’est ce qu’il ne fait point. « Nous espérons, dit-il, aborder cette question dans un autre ouvrage. » Quant au principe d’identité, c’est incontestablement un principe logique, mais nous nous étonnons que M. Delbœuf lui refuse le caractère de principe formel. En réalité il le dénature et le prend dans un autre sens que les logiciens : il le présente comme exprimant la conformité de la pensée avec les choses, de la représentation des phénomènes avec, les phénomènes eux-mêmes. Ainsi la formule A = A signifierait qu’il y a identité entre la chose et l’idée. Ce n’est pas ainsi qu’on l’entend ordinairement.

La dernière partie du livre est consacrée à une réconciliation de la notion de mouvement avec le principe de contradiction. C’était un problème que la philosophie hégélienne, par sa théorie du devenir, avait mis à la mode : il a beaucoup perdu de son intérêt aujourd’hui. Il suffit, pour le résoudre, de donner une bonne définition du mouvement ou du changement.

M. Delbœuf étant doué d’un esprit véritablement philosophique, a éprouvé le besoin d’embrasser dans un système général toutes les parties de la science et en même temps de maintenir continuellement ce système en harmonie avec tous les progrès de la pensée en Europe. Cette double tendance se fait sentir dans tous les ouvrages qu’il a publiés dans ces dernières années ; il n’aborde plus seulement des questions de méthode et de logique, mais des problèmes de métaphysique, de psychologie et même de biologie, bien que les sciences physiologiques paraissent être celles qu’il a le moins cultivées. M. Delbœuf a subi l’influence féconde de la théorie de l’évolution, on retrouve chez lui les doctrines de Bain sur l’origine des notions de distance et d’étendue, celles d’Herbert Spencer sur l’adaptation. Il a étudié et s’est assimilé en grande partie les théories de Wundt ; enfin il a suivi avec un vif intérêt les travaux de Weber et de Fechner sur la mesure des sensations et a essayé de les compléter. Les résultats des dernières études de M. Delbœuf se trouvent en partie