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ribot. — psychologie ethnographique en allemagne

sont bien peu de chose ; mais est-il déraisonnable de demander que quelques généralisations, au moins provisoires, sur quelque point particulier sortent de ces recherches ? Les promoteurs de l’œuvre n’ont-ils pas le devoir naturel de dresser de temps en temps le bilan de ce qui est acquis ?

Les anthropologistes anglais dont nous n’avons d’ailleurs pas à nous occuper ici, paraissent avoir mieux compris les conditions d’une psychologie des races, en esquissant des monographies. Soucieux, avant tout, de recueillir des faits, ils ont cependant tiré quelques conclusions intéressantes. C’est ainsi que Lubbock et Mac Lennan ont étudié la famille primitive ; que Tylor s’est efforcé de prouver que les premières étapes de la civilisation sont toujours uniformes, quels que soient les races, les temps et les pays. Nous souhaitons à quelque collaborateur de la Zeitschrift für Völkerpsychologie d’employer de même les matériaux de la Revue.

Stuart Mill, dans le livre qu’il consacre à la logique des sciences morales[1], a exposé la méthode de l’Éthologie, c’est-à-dire de la science du caractère, « en y comprenant la formation des caractères nationaux ou collectifs, aussi bien que des caractères individuels, et il en a fait une science entièrement déductive. D’après lui, la psychologie, fondée sur l’observation et l’expérience, trouve les lois fondamentales de l’esprit : l’éthologie détermine le genre de caractère produit conformément à ces lois générales, par un ensemble de circonstances morales et physiques. Il eût été intéressant de savoir ce que les représentants de la Völkerpsychologie pensent de cette méthode : car s’ils se sont amplement expliqués sur l’objet, le but et les éléments de leur science, ils n’ont pas été suffisamment explicites sur la méthode à employer. Ils semblent avoir surtout visé à rassembler des documents, et à ce titre, ils se sont montrés plus empiriques que Stuart Mill lui-même. On ne saurait les en blâmer : ces études de détail trouveront toujours leur emploi ; elles méritent d’être continuées et leurs promoteurs ont une place assurée dans le tableau de la psychologie allemande contemporaine[2].

Th. Ribot.
  1. Système de Logique, liv. VI, ch. 5.
  2. Nous nous proposons, dans un prochain article, d’étudier les travaux de Bastian qui, par son Mensch in der Geschichte et ses Beiträge zur vergleichenden Psychologie, a contribué à l’organisation d’une psychologie ethnographique.