Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
revue philosophique

tème doit être comparé avec les faits, et s’il s’y trouve conforme, il prend rang dans la science à titre de théorie[1].

Les lois expérimentales ont un degré de précision plus ou moins grand. La loi de la gravitation rend compte des phénomènes avec une exactitude complète ; les calculs appuyés sur la donnée que les corps sont portés les uns vers les autres en raison directe de leur masse et en raison inverse du carré des distances, donnent des résultats absolument conformes à l’observation des astres. La loi de Boyle et de Mariotte affirmant « qu’à égalité de température la force élastique d’un gaz varie en raison inverse du volume qu’il occupe » n’a pas le même degré de rigueur. Elle peut être regardée comme exacte sans qu’il en résulte d’erreurs appréciables dans les applications à la mécanique pratique[2], mais les expériences de M. Regnault ont démontré que son exactitude n’est pas absolue.

Il résulte aussi du mode de formation des théories expérimentales, qu’elles passent par des degrés divers de probabilité. Lorsque Schwann conçut la pensée que tous les organes des corps vivants sont composés d’un élément unique diversement transformé : la cellule, cette pensée était une simple conjecture. L’étude attentive des faits et les progrès de l’observation microscopique ont donné à cette conjecture une probabilité croissante. Une partie au moins des naturalistes contemporains admet comme une thèse démontrée que « tous les organes, tous les tissus sont composés de cellules modifiées ou métamorphosées de diverses manières[3] », en sorte que la cellule peut être désignée à juste titre, comme l’élément organique[4].

Lorsqu’une hypothèse expérimentale est vérifiée par la conformité de ses conséquences avec les faits, elle est tenue pour vraie ; mais elle n’est pas expliquée en ce sens qu’elle soit rattachée à des vérités antécédentes dont on puisse la déduire logiquement. La science fait un pas de plus, lorsqu’après avoir vérifié une hypothèse, elle peut la rattacher à des vérités antécédentes par le lien du raisonnement. J’ouvre par exemple un traité de physique, et j’y trouve l’énoncé de cette loi : « L’intensité du son est en raison inverse du carré de la distance du corps sonore à l’organe auditif. » Cette loi peut se démontrer expérimentalement. On place quatre timbres parfaitement semblables à une distance de vingt mètres de l’oreille, et un seul à la distance de dix mètres, et on constate que le timbre placé à la distance de dix mètres frappé seul

  1. Claude Bernard. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale.
  2. Delaunay. Cours élémentaire de mécanique.
  3. Girard. Principes de biologie. Paris, 1872, page 17.
  4. Claude Bernard, dans la Revue scientifique du 26 septembre 1874.