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naville. — hypothèse dans la science

rend un son de même intensité que les quatre autres frappés simultanément : voilà la vérification expérimentale de la loi. On peut établir aussi cette loi par le calcul, en partant des données générales de l’acoustique. La loi alors n’est pas simplement vérifiée, elle est expliquée ; on n’a pas seulement établi qu’elle est, on a montré sa raison d’être. Il semble que, dans ce cas, la physique suit une marche analogue à celle des mathématiques, mais il n’y a de véritablement semblable que le procédé du raisonnement ; le point de départ n’est jamais le même. La plus haute espérance que puissent concevoir les sciences physiques est d’arriver à une conception de l’état primitif de la matière, et d’en déduire l’ensemble des phénomènes actuels, en généralisant l’hypothèse astronomique de Kant et de Laplace relative à la nébuleuse primitive. La science totale du monde matériel revêtirait alors la forme déductive ; mais, dans le point de départ, on trouverait toujours la place des éléments de la nébuleuse, leurs mouvements primitifs et les lois de la communication du mouvement. Or ces points de départ ne sont nullement donnés à priori ; ce sont des hypothèses qui ne sauraient être justifiées que par l’explication des phénomènes. Confondre ces hypothèses avec les éléments immédiats de la raison tels que les axiomes mathématiques, serait une méprise grave. Les affirmations des sciences purement rationnelles ont, pour notre pensée, le caractère de la nécessité ; les sciences expérimentales ne peuvent jamais sortir du domaine de la contingence. Il y a là une ligne de démarcation qu’un esprit attentif ne franchira jamais.

La distinction généralement admise des sciences expérimentales et des sciences rationnelles est donc une distinction solide, qui résulte de la nature des objets observés et du mode de vérification des hypothèses ; mais la méthode, dans son ensemble, demeure toujours la même dans ses trois éléments : observer, supposer, vérifier. C’est la méthode générale qui se retrouve, avec les différences naissant de la diversité de ses objets d’application, dans toutes les méthodes spéciales. L’observation scientifique est inséparable de l’induction. La déduction est un élément essentiel de la vérification. L’acte de supposer est une anticipation de la pensée, sans laquelle la science resterait à jamais stationnaire ; et cette anticipation est le produit d’une spontanéité individuelle.

L’hypothèse s’offre parfois comme une simple lueur dont la clarté augmente peu à peu par la réflexion. Newton disait[1], en parlant de ses propres découvertes : « L’objet éclairé vaguement comme d’un jour crépusculaire, s’illumine peu à peu jusqu’à briller enfin d’une

  1. Isaac Newton, par I. L. M., page 24.