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« vive lumière. » Parfois aussi l’hypothèse apparaît comme une clarté subite. On raconte qu’Archimède trouvant, pendant qu’il était au bain, la solution longtemps cherchée d’un problème se mit, sans prendre le temps de se vêtir, à parcourir les rues de Syracuse en criant : « J’ai trouvé ! » Cette anecdote montre en action, si le fait est vrai, ou symbolise fort bien, si le récit est imaginaire, les illuminations soudaines de la pensée. Une découverte cause une joie instantanée et imprévue, très-différente de la satisfaction réfléchie et prévue que cause l’achèvement d’un travail régulièrement terminé. Je connais un esprit inventif qui a fait, dans l’ordre des sciences physiologiques, une découverte, dont je ne connais pas encore la valeur, mais dont la valeur sera grande si la découverte est réelle, et qui peut indiquer le lieu exact et le moment précis où une idée nouvelle traversa son esprit comme un éclair.

Dans tous les cas, quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente, quel que soit son degré de précision et son degré de certitude, l’hypothèse est le facteur indispensable de la science. Que possédons-nous, en effet, comme données immédiates, comme éléments primitifs de notre savoir ? La perception sensible, c’est-à-dire la connaissance des phénomènes matériels ; la perception psychologique, c’est-à-dire la connaissance immédiate des faits spirituels dont notre âme est le théâtre ; les axiomes et les lois du raisonnement ; enfin la tendance à chercher des classes, des lois, des causes et des buts, c’est-à-dire les postulats de la science. La perception, tant interne qu’externe, nous livre les faits sans aucun élément d’explication. Les axiomes, les lois du raisonnement et les tendances natives de l’intelligence sont les principes régulateurs du travail de la pensée ; mais ces principes purement formels ne nous font connaître aucune cause, aucune loi, et, dans l’ordre des sciences mathématiques, aucun théorème. Pour l’établissement de toute vérité qui n’est pas une simple donnée de fait ou un élément purement logique, il faut donc que l’esprit suppose. « Le monde ne se laisse pas deviner, il faut l’observer, » disait un jour M. Berthelot, dans la Revue des Deux-Mondes. Il avait raison de le dire, en tant qu’il opposait la nécessité de l’observation aux constructions systématiques à priori ; mais on peut dire avec une égale vérité : « Les lois et les causes ne se laissent pas observer, il faut les deviner. » Il existe un moyen facile de distinguer les données immédiates qui ne sont que la matière ou la condition de la science, des vérités scientifiques proprement dites qui exigent l’hypothèse et la vérification. Les données immédiates se montrent et ne se démontrent pas. Tout homme qui a les organes de la vue en bon état verra un bolide tra-