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Jusqu’ici nous ne savons qu’une chose : Les états de conscience, d’après l’hypothèse métaphysique de Herbart, seraient dus à l’effort que chaque être fait pour se conserver, dès qu’il entre en relation avec les autres êtres. Mais y a-t-il rien là qui ressemble à une propriété mathématique ? Oui ; car tout ce qui est perçu intérieurement a une propriété générale, c’est de se montrer « comme allant et venant, oscillant et flottant, en un mot comme quelque chose qui devient plus fort ou plus faible[1] » Chaque terme employé pour exprimer nos représentations renferme un concept de grandeur. Il faut donc admettre que dans les faits de conscience il n’y a aucun ordre, ou bien qu’il y a quelque chose qui présente un caractère mathématique et qu’on doit essayer d’analyser mathématiquement.

Pourquoi n’a-t-on pas essayé depuis longtemps cette analyse ? Herbart en donne plusieurs raisons. La principale est la difficulté de la mesure. Les grandeurs psychologiques sont des quantités variables qui ne peuvent être évaluées que d’une manière incomplète. « Mais on peut soumettre au calcul les variations de certaines quantités, et ces quantités elles-mêmes, en tant qu’elles sont variables, sans les déterminer complètement : c’est sur cela que repose toute l’analyse infinitésimale. Tant que le calcul de l’infini n’était pas inventé, les mathématiques étaient trop imparfaites pour cet objet. »

Toute notre connaissance des faits internes a ce caractère qu’elle est nécessairement incomplète : notre esprit, par une opération qui lui est propre, doit la compléter (Ergänzung). Mais le plus souvent les données empiriques sont tellement insuffisantes que cette entreprise ne peut être tentée que par voie spéculative ; et pour cela, il faut tout d’abord démontrer l’existence de certains rapports, établir que deux quantités sont en fonctions l’une de l’autre, qu’elles sont liées ensemble comme un logarithme et son nombre naturel, comme une différentielle et son intégrale, etc.

En un mot, d’après Herbart, « la psychologie tout entière ne peut consister en rien autre chose qu’à compléter les faits perçus intérieurement ; qu’à démontrer, au moyen de ce que la perception n’atteins pas, la connexion de ces faits que la perception peut atteindre ; — et cela, d’après des lois générales[2]. »

Tous les états de conscience sans exception étant pour Herbart des représentations, et les représentations étant des forces, en tant du moins qu’elles sont contraires les unes aux autres, il en résulte

  1. Psychologie als Wissenschaft ; Einleitung.
  2. Psychologie als Wissenschaft, p. 220.