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qui nous permet déjà de mesurer la part qui revient à Lamarck dans la formation de la doctrine évolutionniste. On trouve les extraits les plus importants, les plus caractéristiques de la Philosophie zoologique de Lamarck dans le livre d’Oscar Schmidt, Descendance et Darwinisme (Bibliothèque scientifique internationale, Germer Baillière, Paris, 1874). Les idées philosophiques sur l’unité de plan dans la nature, que développaient vers le même temps que Lamarck, Cuviér, Geoffroy-Saint-Hilaire, Owen, Gœthe enfin (par son ingénieuse théorie sur la métamorphose de la plante et sa découverte de l’os intermaxillaire chez l’homme), méritent d’être comptées parmi les antécédents indirects de l’idée darwinienne. Agassiz, qui la combattit jusqu’à la fin énergiquement, soutenait pourtant, avant Darwin, que « l’homme est la fin que poursuit la création du règne animal tout entier, depuis la première apparition du premier poisson de l’époque paléozoïque. » L’anatomiste et paléontologue, Richard Owen, qui, tout en rejetant la théorie de la Sélection, se prononce en faveur de la théorie de la Descendance, n’avait pas attendu non plus Darwin pour soutenir que c l’homme, dès la formation du premier organisme, était en idée (ideel) présent sur la terre. » Mais c’est surtout après que le géologue Charles Lyell en eut décidément fini avec la théorie de Guvier et d’Agassiz, qui admettait des cataclysmes et des révolutions du globe ; après que la doctrine de Robert Mayer sur l’équivalent mécanique de la chaleur et la conservation de la force, ainsi que la découverte de l’analyse spectrale, eurent victorieusement démontré l’unité des propriétés physiques et chimiques du monde inorganique, c’est alors seulement que le terrain fut définitivement préparé pour une conception unitaire des organismes ; et que l’hypothèse de Lamarck put recevoir les confirmations de l’expérience.

Lamarck avait affirmé le fait de l’évolution des espèces : Darwin entreprit, par sa théorie de la sélection, d’en déterminer les lois, les conditions. Wallace, qui était arrivé de son côté à des résultats analogues, lui céda avec une généreuse abnégation la priorité de la découverte.

Darwin doit aux éleveurs et à leur pratique de la sélection artificielle la première idée de « la sélection naturelle. » Il en posa et en développa le principe dans son premier ouvrage « l’Origine des espèces, » à la date désormais mémorable du 24 novembre 1859. Il empruntait en même temps à Malthus la théorie de la « concurrence vitale, » qui découlait, selon cet économiste, de ce grand fait que la population croît en proportion géométrique, tandis que les ressources alimentaires n’augmentent tout au plus qu’en proportion arithmétique. Dix ans plus tard environ, dans son livre sur « la Descendance de l’homme », Darwin ajoutait à la sélection naturelle la « sélection sexuelle » qui doit expliquer la transmission et le perfectionnement des propriétés morphologiques, inutiles à la concurrence vitale. Darwin avait été précédé dans la tentative hardie de dériver l’homme du singe par Carl Vogt d’abord, puis par Huxley, Büchner, Moleschott et Hæckel. Après eux, mais avec plus