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LES MAÎTRES DE KANT[1]

II

NEWTON

En 1747, Kant quittait Kœnigsberg pour aller remplir, pendant près de dix années, l’emploi de précepteur dans diverses familles du voisinage. Âgé de vingt-deux ans, il avait déjà la maturité et l’indépendance du jugement. Nous n en voulons d’autre preuve que le ferme et libre langage des déclarations contenues dans son premier ouvrage, celui qu’il composa vraisemblablement vers les derniers temps de son séjour à l’Université : « Le grand nombre est encore dominé par le préjugé ; et l’autorité des grands hommes lui en impose et l’effraye. Il y a une certaine présomption à dire : la vérité, que les plus grands maîtres de la science ont vainement poursuivie, n’a été saisie que par mon intelligence. Je n’ai pas la prétention de justifier une telle confiance : je ne voudrais pourtant pas dire cependant que je ne la partage nullement. J’estime qu’il est parfois utile de se confier généreusement à ses propres forces. Cela soutient notre énergie, et lui communique un élan qui profite à la recherche de la vérité. »

Le jeune auteur, qui se sent assez fort pour s’exprimer ainsi en face de ses professeurs et de ses condisciples, ne va plus, on le sent, relever que de lui-même dans le choix de ses études : il avait dû jusqu’ici accommoder ses préférences aux obligations de son rôle d’écolier.

C’est un fait significatif, qu’entre tant d’objets également dignes de son intérêt et qu’il est également préparé à comprendre, Kant se décide sans hésitation en faveur des sciences de la nature et de Newton. Pendant le temps qu’il passe hors de Kœnigsberg, tout son effort se concentre presque exclusivement sur les problèmes de la physique mécanique. La physique, qui n’était pour Knutzen que l’étude accessoire, serait-elle devenue l’objet principal de la curio-

  1. Voir la Revue du 1er mai dernier.