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À l’Histoire du ciel peuvent être rattachées les considérations, présentées dans divers petits traités, qui sont plus ou moins séparés par le temps de ce grand ouvrage. Kant y développe, sur l’histoire spéciale de la terre et de l’humanité, les conséquences mêmes de la cosmogonie mécanique dont il vient de poser les principes généraux. Il avait publié en 1754 deux brefs écrits, l’un sur ce sujet : La terre dans sa rotation autour de son axe a-t-elle souffert un changement ? l’autre sur cette question : La terre vieillit-elle ? Ces écrits, malgré de nombreuses erreurs, font, comme le précédent, honneur à la sagacité du disciple de Newton. C’est exclusivement au nom des principes de la physique newtonienne que discute l’auteur. « Il n’y a pas d’autre cause extérieure, dit-il dans le premier de ces écrits, qui puisse avoir quelque influence sur le mouvement de la terre, si ce n’est l’attraction de la lune et du soleil. L’attraction est en effet la force universelle à l’aide de laquelle Newton explique, d’une façon aussi claire qu’incontestable, les secrets de la nature : ici encore, elle nous fournit un principe sûr, pour l’examen de la question. » Après avoir posé le problème, Kant se borne à renvoyer pour la solution à l’Histoire du ciel. — Le second essai développe des idées que nous connaissons déjà : « Les mêmes causes mécaniques, qui portent une chose à sa perfection et la conservent, la conduisent par des changements insensibles à sa destruction… Bien qu’elle demande des siècles sans nombre pour devenir sensible, l’action de la vieillesse sur la terre n’en est pas moins une conception fondée sur la science et très philosophique »…

Les divers opuscules provoqués par les tremblements de terre de Lisbonne, en 1755, sont plus satisfaisants que ceux dont nous venons de parler, au point de vue de la science actuelle. Aujourd’hui encore, il y aurait assez peu à y reprendre. Ils prouvent l’érudition scientifique de Kant ; et montrent avec quelle sagacité il savait appUquer à des problèmes de détail les principes généraux de la physique mécanique.

La pensée qui domine ces écrits de circonstance, comme les leçons sur la géographie physique que Kant fit depuis 1757, pendant près de quarante ans, devant un auditoire nombreux autant que choisi, c’est que les transformations de la terre comme celles du ciel sont régies par les lois d’un même et inflexible mécanisme ; c’est que les mêmes causes qui agissent aujourd’hui dans le monde suffisent à expliquer tous les changements qu’il a traversés dans le passé. Kant conçoit l’idée et le plan d’une Histoire de la nature. Il en rassemble sans cesse les matériaux et en écrit çà et là quelques chapitres. « L’Histoire de la nature, dit-il, qui nous manque presque com-