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nolen. — les maîtres de kant

de la possibilité de l’expérience : c’est une nécessité logique qui les soutient : mais, à son tour, cette nécessité logique repose sur une nécessité pratique ; et le Ich denke a sa raison dernière dans le Ich solle.

En cela sans doute, Kant dépasse Newton : là où ce dernier invoquait la raison suprême, Kant ne fait intervenir que la raison humaine et sa spontanéité théorique.

Il trouve dans cette doctrine non seulement une réponse au doute de Hume, mais la solution cherchée des antinomies dynamiques. Le mécanisme de Newton, en effet, ne saurait plus être un péril pour la liberté, puisqu’il a son principe même dans cette liberté. Les lois de la nature ne menacent plus la pensée de l’homme, puisqu’elles en sont au contraire les produits et qu’elles lui empruntent toute leur autorité. L’action divine n’est pas contraire davantage à la liberté humaine. La raison de l’homme se sent également indépendante pour affirmer Dieu et pour affirmer la nature ; également libre de s’engager dans les liens de la nécessité métaphysique ou de l’action divine par la foi, comme dans ceux de la nécessité physique ou de la nature par la science.

Une fois la grande révolution opérée qui consiste à voir dans les objets non ce qu’ils sont, mais ce que nous y avons mis nous-mêmes ; à faire dépendre la vérité non de l’identité du sujet à l’objet, mais de la conformité des choses aux formes subjectives de la pensée ; à considérer enfin l’esprit non comme l’interprète docile, mais comme le législateur de la nature : Kant va consacrer sa vie à reconstruire la lumière du principe nouveau, la métaphysique du vrai, du beau et du bien ; à transformer les doctrines des philosophes sur la science, sur l’art, sur la moralité et sur la religion. Ce sera l’objet des trois grandes critiques et de la religion dans les limites de la raison pure.

La pensée, maîtresse de ces œuvres successives, quelque intervalle de temps qui les sépare, quelque diversité de sujets qu’elles présentent, c’est que la science et la conscience sont faites pour vivre en parfait accord ; c’est que le mécanisme physique et la moralité, la recherche positive et la spéculation idéale, sous leurs formes les plus diverses, ne font qu’exprimer également l’autonomie de l’esprit, ne sont que des manifestations différentes, mais également légitimes, de la liberté du moi. Kant fait-il encore une fois autre chose, en tout cela, que chercher la raison philosophique, que poursuivre à la lumière de l’analyse critique une démonstration rigoureuse et mathématique, en quelque sorte, de la foi instinctive et vivante dans l’âme du grand Newton ?

Il n’est pas besoin d’analyser longuement les formes diverses sous