Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
12
revue philosophique

principe aussi loin qu’elles le sont dans la réalité ; elle ne peut donc être sûre d’avoir épuisé tout ce que le principe peut fournir et de ravoir ainsi réduit à l’impuissance. Quand il s’agit d’une notion tout abstraite comme l’étendue, il est facile de montrer qu’elle ne suffit pas à l’explication universelle ; mais il n’en est plus de même quand on est en présence de choses concrètes, comme le mouvement ou la pensée. En effet, nous ne pouvons suivre le mouvement dans toutes ses transformations ; nous ne pouvons non plus suivre la pensée dans toutes ses métamorphoses et dans tous ses degrés, depuis la sensation la plus sourde jusqu’à la conscience la plus claire ; les limites, ici, peuvent donc être celles de notre savoir plutôt que celles des choses, elles peuvent être subjectives plutôt qu’objectives. Or la plupart des philosophes n’ont point, dans leurs négations ou leurs réfutations, la réserve nécessaire : ils confondent le subjectif avec l’objectif. Les uns disent, par exemple : « Le mouvement ne peut pas expliquer la pensée ou se transformer en pensée. » Qu’en savez-vous ? leur répondrons-nous. Ce que vous connaissez du mouvement est positif, mais vous ne le connaissez ni dans la totalité de ses éléments constitutifs ni dans la totalité de ses effets et conséquences. Vous ne pouvez donc pas dire : « Le mouvement, objectivement considéré, est incapable de produire la pensée, objectivement considérée ; » vous devez vous borner à dire : « Du mouvement, subjectivement considéré dans ce que nous connaissons de ses éléments et de ses effets, nous n’avons pu encore déduire la pensée, telle que nous la connaissons subjectivement. » Cette impuissance peut tenir à deux causes, ou bien à ce qu’en réalité le mouvement ne peut engendrer la pensée, ou bien à ce que nous ne pouvons, nous, expliquer cette génération. Les limites des systèmes, par exemple du système mécaniste ou du système idéaliste, n’ont donc qu’une valeur provisoire et relative tant qu’elles portent sur des objets concrets dont nous n’avons pas la théorie complète, comme le mouvement ou la pensée ; rien ne prouve qu’en fait le mécanisme complet ne puisse former un tout continu avec l’idéalisme, et que l’idéalisme complet ne finisse pas par embrasser le mécanisme. Si de plus la science nous montre, dans la réalité, le mouvement et la pensée toujours unis, il faut avouer que cette concomitance est une forte présomption en faveur d’une unité fondamentale du mouvement et de la pensée. De là le caractère relatif et subjectif qu’il faut toujours attribuer, selon nous, aux réfutations purement négatives ; elles mettent en lumière, comme on vient de le voir, une impuissance d’un système qui peut tenir tout ensemble à la nature des objets et à l’imperfection de notre savoir, mais qui