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fouillée. — la philosophie des idées-forces

peut aussi tenir simplement à l’imperfection de notre savoir. Les animistes, par exemple, réfutent les organicistes en niant que le jeu des organes explique l’unité de la vie, et ils font intervenir une « âme » dont le royaume commence à l’endroit où finit le royaume du mécanisme ; les vitalistes, à leur tour, trouvant que l’âme et le corps n’expliquent pas tout, font intervenir un troisième personnage, une sorte de majordome : le principe vital. Si l’on présentait ces divers principes comme les formules abstraites de divisions provisoires, — de même que les fluides négatif et positif de l’électricité, l’attraction et la répulsion magnétiques, etc., — on pourrait les admettre sous bénéfice d’inventaire ; mais les réfutateurs de systèmes objectivent presque toujours les classifications plus ou moins étroites et exclusives du savoir humain ; ils confondent les limites de notre science avec les limites de la nature. Il y a donc, dans la critique des principes, un double écueil à éviter : 1° ne pas affirmer prématurément que telle chose se confond avec une autre ou s’explique par les mêmes lois ; 2° ne pas ériger les séparations provisoires et subjectives des choses en séparations définitives et réelles.

La première recommandation est celle sur laquelle insistent presque exclusivement le positivisme et le néo-criticisme, systèmes dont la tendance est essentiellement réfutative ; c’est au nom de cette règle qu’un certain nombre de philosophes croient pouvoir condamner ou réfuter les hypothèses synthétiques et conciliatrices de l’évolution universelle, du transformisme, de l’identité des lois biologiques et des lois physiques, de la corrélation des forces, de la corrélation du mouvement et de la pensée, du déterminisme parallèle des faits de conscience et des faits physiologiques, etc. On sait l’importance que Comte et M. Littré attachent à leur classification des sciences, avec défense expresse d’appliquer à l’une les procédés ou les lois de l’autre. On sait aussi l’importance que M. Renouvier attache à ses catégories d’objets irréductibles, discontinus, séparés par des distinctions tranchées, formant comme des créations spéciales : Auguste Comte, malgré son amour de l’objectif, s’enferme dans une classification subjective et logique ; M. Renouvier, lui, se place plus franchement au point de vue subjectif et logique, mais il ne s’y enferme pas moins. Nous reconnaissons ce qu’il y a dans ces divisions de nécessaire pour la prudence scientifique, mais il faut avouer qu’elles ne favorisent guère l’invention dans les sciences, ni les vues générales et synthétiques. À plus forte raison cet abus de la logique est-il peu compatible avec la tendance métaphysique, qui est de voir l’unité dans la multiplicité. Pour nous, il nous semble que l’analyse des principes doit être complétée par la synthèse, que les séparations