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hartmann. — la philosophie religieuse

ce qu’il remplace le rapport de l’immanence aussi longtemps que la conscience religieuse se meut encore dans le cercle de la représentation théistique. Par là, on reconnaît sa valeur propédeutique en même temps qu’on nie sa valeur définitive.

Pfleiderer se trouve à l’égard de la conscience de l’absolu dans la même situation qu’à l’égard de l’amour de Dieu. D’un côté, il admet qu’on ne peut pas supposer en Dieu une opposition entre la conscience de soi et la conscience du monde, entre le moi et le non-moi, entre le sujet et l’objet, mais qu’en Dieu la conscience de soi doit être identique à sa conscience intuitive du monde ; d’un autre côté, il parle cependant d’une distinction en Dieu, c’est-à-dire d’une distinction faite par lui entre son moi implicite et explicite et la réflexion en lui-même de la conscience du monde ; or l’une et l’autre ne sont possibles que sous la condition de cette séparation qui a été supprimée. L’absolu n’a aucune occasion de contempler autre chose que le contenu de l’idée destiné à être réalisé dans le moment, et ne peut avoir de motif pour détourner son intuition de ce contenu vers le point d’unité de son développement ; par conséquent, il ne peut pas se trouver dans le cas de distinguer l’un de l’autre. Sans doute l’absolu fait entrer dans son unité tout le multiple qui est sorti de lui ; mais cette rentrée a lieu dans le processus réel par la mort du fini et n’a aucun rapport avec cette réflexion idéale en lui-même, comme nous le reconnaissons d’après notre propre conscience, opposée au monde phénoménal subjectif. En d’autres termes, l’absolu ne peut pas avoir d’autre conscience de soi que sa conscience intuitive, et, précisément à cause de l’absence de l’opposition entre le sujet et l’objet, celle-ci ne peut plus être appelée conscience, mais doit être nommée intuition inconsciente. Sans doute, on peut et on doit appeler aussi volonté de Dieu l’objectivation de son intériorité ; mais le retour ou la réflexion de ce qui est objectivé par la volonté ne peut en aucun cas être désigné comme la raison de Dieu, puisque celle-ci ne se mouvrait alors qu’à la suite de la volonté créatrice, au lieu d’en déterminer le contenu avant sa manifestation. La réflexion de soi-même est un mauvais reste de l’hégélianisme que Pfleiderer, à ce qu’il semble, a pris chez Biedermann et qui est loin de rendre le service qu’on lui demande, à savoir de sauver la conscience de Dieu.

Cette conscience divine n’est également qu’un reste anthropopathique du théisme ; il n’y a point de place pour elle dans le panthéisme. En la supprimant, on ne cause pas plus de préjudice à la conscience religieuse qu’en supprimant la personnalité de Dieu ; son maintien n’a d’utilité qu’autant qu’elle sert à maintenir cette der-