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tion toute différente de celle qu’il peut avoir quand on croit à la création ex nihilo ; dans le premier cas, l’essence de la créature ou sa substance est immanente en Dieu ; elle se trouve seulement en dehors de la divinité ou de la condition divine par son existence ou son état phénoménal ; dans le second cas, elle est, à titre de « substance créée », essentiellement et substantiellement différente de Dieu ; elle est en dehors de lui, et séparée de lui comme le vase est en dehors du potier ; dans le premier cas, la création est comprise dans le sens moniste ou panthéiste ; dans le second cas, elle l’est dans le sens théiste. Pfleiderer se décide aussi dans cette question pour le côté panthéiste, d’après lequel Dieu lui-même est par sa volonté la substance de toute créature, et, comme une conséquence nécessaire de cette manière de voir, il admet l’opinion d’après laquelle l’existence de la créature est une création continue, sa substance durant seulement grâce à la persistance de cette volonté divine. II ajoute la remarque que cette pensée d’une « création continue » n’est pas étrangère à la doctrine de l’Église, mais que pour cette pensée, « comme pour toutes les autres pensées spéculatives de ce genre, elle n’ose pas aller au fond des choses, parce qu’elle reste trop fortement pénétrée des hypothèses du supernaturalisme hébraïque. » La théologie sent parfaitement que, si elle voulait faire sérieusement une concession pareille, elle abandonnerait sa base théiste et passerait sur le terrain du panthéisme.

Dans la question de la création, Pfleiderer pousse décidément trop loin les doctrines du panthéisme, telles qu’elles sont sorties des hypothèses du naturalisme et du monisme abstrait ; il prétend avec Spinoza et Fichte que la création est coéternelle à Dieu, contrairement à la doctrine de l’Église, qui depuis saint Augustin enseigne que le monde et le temps ont commencé simultanément avec la création et qu’ils finiront également avec elle. Si le naturaliste croit au cours infini de la nature, si l’idéaliste subjectif regarde comme absurde un commencement objectif du temps qui à ses yeux a seulement une valeur subjective, il n’y a là rien d’étonnant ; mais les énonciations des naturalistes et des idéalistes ne peuvent être d’aucun poids pour décider la question au point de vue du monisme concret, qui doit tenir le milieu entre celte opinion extrême et celle du théisme. De même, on ne peut pas invoquer le témoignage de Hegel, puisque, d’après lui, l’éternel engrenage du processus dialectique constitue l’essence du concept, lequel, d’après son système, est à la fois substance absolue et sujet absolu. Ce n’est pas l’acte « d’une révélation éternelle » ; c’est le pouvoir de se révéler éternellement qui constitue le véritable concept de Dieu comme créateur ; pour