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le but du monde, qui ne peut pas être cherché dans l’avenir éternel, est rempli à chaque instant. Comme le premier cas constitue une hypothèse inadmissible pour la conscience religieuse, il ne reste que le deuxième expédient. C’est aussi à ce dernier que Pfleiderer se voit obligé d’avoir recours, mais seulement parce qu’il se retranche un but futur du monde par l’admission du processus éternel.

Cet optimisme est le côté le plus faible du protestantisme spéculatif ; il lui donne une ressemblance fâcheuse avec le protestantisme libéral, ainsi qu’avec le rationalisme optimiste de ce dernier. Cette position s’explique seulement par le fait que le protestantisme spéculatif s’appuie en première ligne sur Hegel, qui est optimiste, non pas parce qu’il ferme les yeux sur les misères de la vie, mais parce que dans son fanatisme rationaliste exclusif il trouve toutes les choses très bien, en tant que leur contenu est rationnel ; il ne s’inquiète pas de savoir si leur non-être ne serait pas encore plus rationnel. C’est certainement sur ce point que le protestantisme spéculatif s’écarte le plus d’un système du monde correspondant à la réalité et qu’il exige les modifications les plus profondes s’il veut devenir une base tenable pour. la représentation de la conscience religieuse. Jusqu’à ce que ces modifications aient été faites, il satisfera tout au plus, comme le protestantisme libéral, le besoin religieux des hommes qui acceptent avec calme les maux du monde à cause du bien qu’il offre, et il court risque d’être aussi dorénavant la religion de ceux qui n’ont pas besoin de religion.

Il faut savoir gré à Pfleiderer de n’avoir point employé la méthode si commode et si usitée pour excuser les imperfections de cette vie terrestre, en faisant espérer dans un autre monde la perfection qui nous est refusée ici-bas. Il rejette avec raison toutes les prétendues preuves en faveur de l’immortalité personnelle, comme des postulats de sentiment vides et reposant sur des erreurs ; il insiste sur ce point que le fondement nécessaire à la conscience religieuse est plutôt la vie éternelle actuelle, regardée comme existence en Dieu, qu’une continuation de la vie après la mort. Mais il reste en arrière de Biedermann quand d’un côté il déclare que la question de l’immortalité est une question ouverte, qui ne peut pas encore être résolue, et quand d’un autre côté il accorde pleine liberté sur cette question à la foi personnelle. Biedermann, en effet, soutient avec raison que, si l’on se place au point de vue du monisme concret, cette question est résolue négativement, et que si l’on ouvre cette voie aux sentiments et aux désirs personnels, et si l’on détourne l’esprit vers le bonheur d’une autre vie, on s’expose à nuire à la profondeur religieuse de la vie éternelle, dont le moment présent doit déjà faire partie.