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HISTOIRE CRITIQUE

DE

JULES CÉSAR VANINI

(suite)[1]

IV

Nous avons vu que le suprême désir de Vanini était de revenir à Paris. Pour s’en assurer les moyens, pour se faire des intercesseurs auprès du chancelier, il avait écrit l’Amphithéâtre, il avait flatté les jésuites et rompu des lances contre les libertins. Les troubles qui survinrent en France rendirent tout à coup cette haute tactique superflue.

Il n’était plus besoin de battre la place ; le meurtrier de Silvius était libre de s’y glisser par surprise. Il laissa donc là toutes ses combinaisons, et dès les premiers jours du mois de juillet 1615, sans permission de personne, sans lettres de rémission, il s’aventurait à rentrer dans Paris sous l’habit ecclésiastique, qui, comme on sait, était le sien. Il pouvait y passer inaperçu. Ceux qu’il redoutait avaient bien d’autres occupations que de prendre garde à sa présence. Le prince de Condé et les grands à sa suite, jaloux de l’omnipotence de Concini, venaient de s’armer contre Marie de Médicis ; d un autre côté, les Parisiens, assez peu soucieux au fond des griefs des princes, mais extrêmement animés contre la camarilla italienne, sa morgue, ses rapines, sa prodigieuse fortune, étaient d’intention, sinon d’effet, du parti des rebelles. La ville était toute échauffée d’un esprit d’opposition. Comme ceux qui étaient l’objet de leur haine se trouvaient être précisément les ennemis de Vanini, — car on verra plus tard que le patron de Silvius ne pouvait être qu’un Italien, — il lui fut donné d’éprouver la douceur d’un état d’âme qu’il n’avait sans doute jamais connu : il put être sincère.

  1. Voir les deux numéros précédents.