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autre. Pour juger, deux idées sont nécessaires-, juger, c’est donc rapporter une idée à une autre idée, c’est la spécifier, c’est la classer (p. 110 et 111).

De là résulte qu’une idée en appelle une autre, car une seule idée ne peut constituer un jugement. Cette remarque conduit l’auteur à grouper deux à deux les idées primitives et dans cet ordre : être et non-être ; absolu et relatif ; substance et mode ; cause et effet ; nécessité et contingence ; unité et multiplicité ; espace ; temps.

« Chacun de ces concepts embrasse tout, et ils nous sont nécessaires tous à la fois pour la moindre de nos idées, en sorte qu’on ne les peut séparer, et ils se distinguent les uns des autres, en sorte qu’on ne les peut confondre (p. 125). » Ils s’enchaînent dans l’ordre qui vient d’être indiqué plus haut. Tout jugement affirme l’être d’un rapport, non l’être pur, mais l’être déterminé, l’être qui participe au non-être. Les deux notions d’être et de non-être résultent de l’affirmation d’un rapport. Tout rapport implique un sujet et un prédicat, c’est-à-dire une substance et un mode. — Toute affirmation suppose un motif d’affirmer le motif d’affirmer une chose d’une autre est la raison d’être de cette manière d’être, autrement dit la cause de cet effet. — Tout rapport affirmé est nécessaire ou contingent, « nécessaire comme conséquence du principe dont il dérive, contingent comme être (p. 119). » — Tout jugement est un, — car il est une synthèse, — et multiple, — car il unit des éléments divers. Enfin le multiple « revient toujours aux deux concepts fondamentaux qu’il suppose : le temps et l’espace (p. 122). » Tous nos concepts aboutissent à celui d’unité et de multiplicité, ou de quantité, lequel ne conduit à aucun autre (p. 130).

Voilà donc la liste complète des idées de la raison ou idées innées, « irréductibles, primitives, constitutives d’une raison innée à elle-même : idées des rapports nécessaires, qui sont les conditions et de la connaissance et de l’existence, les conditions de l’être intelligible (p. 135). » L’expérience est la condition de la manifestation de ces idées. En quelque manière, toute idée vient des sens ; d’autre part, il est vrai de « dire avec l’idéalisme que nulle n’en vient ».

À y regarder de près, le système de catégories qu’on nous propose diffère sensiblement de la théorie attribuée à l’éclectisme, en ce sens que la raison, au lieu de « percevoir des essences métaphysiques », conçoit simplement des rapports. Il y a plus : ce qu’on appelle dans l’école les jugements de la raison offrent une demi-analogie avec ce qui porte chez Kant le nom de jugements synthétiques à priori. M. Alaux, comme dans l’école de Victor Cousin, ramène toutes les idées de raison à la notion d’infini ; mais, à la différence des éclectiques, il pose une série de jugements primitifs, de vérités premières (il nous plaît ici de parler en vieux langage), dans lesquels le sujet et le prédicat sont unis par un lien analytique.

Il est vrai qu’il ne reste pas toujours fidèle à sa doctrine. À la page 149, il nous parle de la substance, comme « d’un principe de