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une pure hypothèse. L’inconnu ne peut servir à élucider l’obscur. J’ajouterai que la conclusion ne découle pas rigoureusement des prémisses : l’illusion pourrait provenir de l’affaiblissement du système nerveux périphérique. Quant à la définition de l’hallucination, elle a un côté vrai, mais elle est certainement incomplète. L’exemple cité par l’auteur à l’appui de sa thèse est propre à montrer cette insuffisance. Brierre de Boismont parle d’un peintre qui savait faire le portrait ressemblant d’une personne qu’il n’avait vue qu’une seule fois. Le nombre de fois ne fait d’ailleurs rien à la chose. Je demande si l’artiste qui voit de souvenir une personne absente avec une vivacité telle qu’il peut en reproduire exactement les traits, est sous l’empire d’une hallucination. Évidemment non. Il faut encore autre chose : il faut que le sujet soit le jouet d’une illusion et attribue à l’objet qui est tout en lui une existence extérieure et présente, même quand sa raison lui dit qu’il est dans l’erreur.

M. Radestock est ainsi amené à passer rapidement en revue les différents excitants du système nerveux, la pomme épineuse, la belladone, le haschisch, etc., puis le jeûne et les altérations des organes de sens. Immanquablement, dans cette matière difficile, les mots prennent assez souvent la place des idées, et les nerfs et les cellules, le cerveau et la moelle, pour ce qu’on en connaît, interviennent plus que de raison. Malgré cette critique, je me plais à déclarer que toute cette partie contient des résumés sobres et substantiels.

Nous voilà enfin arrivés à la définition du rêve : c’est la continuation pendant le sommeil de l’activité de l’âme.

Aristote a dit : Le rêve, c’est proprement l’image produite par les impressions sensibles quand on est dans le sommeil et en tant qu’on dort[1]. Cette définition est infiniment préférable et je dirai de plus qu’elle n’a pas été dépassée. Entendre faiblement le chant du coq quand on dort, ce n’est pas rêver, dit le Stagyrite, car cette audition est le fait de l’âme qui veille et non de l’âme qui est endormie. Rien de plus juste. Toute activité de l’âme pendant le sommeil n’est donc pas nécessairement un rêve ; je ne rêve pas quand vers le matin, bien qu’encore endormi, j’entends obscurément les bruits de la maison ou de la rue ; mais je rêve si je crois assister à une conversation qui n’a pas lieu. Il résulte de là que la définition du rêve est subordonnée à celle du sommeil. Je reviendrai plus tard sur ce point important.

C’est précisément du sommeil, de ses causes et de ses particularités

  1. Des rêves, chap. III. Voir Trad. de Barlliélemy Saint-Hilaire, Psychologie, p. 202.