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boussinesq.sur le rôle de l’intuition géométrique

être dans l’embarras au sujet de la notion d’espace. Avec un espace absolu, le repos absolu est l’absence de tout déplacement dans cet espace. Seulement, nous ne connaissons pas de repère fixe, pas de corps que nous ayons quelque motif de supposer parfaitement en repos ; nous n’observons jamais que des repos relatifs ou des mouvements relatifs, c’est-à-dire des variations nulles ou finies de distance entre des corps en mouvement. Or c’est surtout cette impossibilité où nous sommes de constater et de mesurer les vrais mouvements des corps, qui a porté un certain nombre de géomètres à nier qu’il y ait des mouvements absolus et que l’espace pur soit quelque chose, présentant une certaine réalité. Ces géomètres rejettent ainsi, pour une raison purement négative, et sacrifient, du moins en principe, une idée des plus claires : ils oublient combien nous sommes pauvres de pareilles idées, combien nous devons en être avares.

Des considérations rationnelles, sans lesquelles nulle science n’existerait, permettent d’ailleurs d’arriver aux vraies lois générales des mouvements absolus, malgré l’impossibilité d’observer de pareils mouvements. Les équations différentielles de la dynamique ne reçoivent, comme on sait, le maximum de simplicité dont elles sont susceptibles, qu’autant qu’on y rapporte les mouvements à certains axes de coordonnées . Il y a, en d’autres term.es, une manière d’expliquer les mouvements relatifs observés, qui est la plus simple possible, qui notamment ne fait pas dépendre les accélérations des vitesses[1] et cette manière peut se déduire de l’application du calcul aux données même de l’observation. Or, dès qu’on admet un espace absolu, les vrais mouvements sont les mouvements rapportés à cet espace ; et ce sont ceux-là, non des mouvements relatifs, qui sont régis par les lois générales ou les équations différentielles les moins complexes obtenues, car le bon sens dit qu’en combinant plusieurs choses on les complique (si ce n’est dans des cas improbables, d’ailleurs particuliers), et que par suite les mouvements absolus doivent obéir à des lois générales aussi simples ou plus simples que

  1. On sait que, d’après une loi fondamentale de la mécanique, les actions réciproques de divers atomes en présence ne dépendent que de leur nature et de leurs distances mutuelles, non de leurs vitesses : ce qui, dans le langage des géomètres, signifie identiquement que leurs accélérations vraies sont de simples fonctions de leurs situations relatives. Or, si l’on rapportait le mouvement à des axes animés de certaines vitesses, il s’adjoindrait, en général, à ces fonctions, pour exprimer les accélérations apparentes des atomes, des termes dépendant du mouvement même des axes, c’est-à-dire fonction d’autres variables que les seules distances réciproques de ces atomes, et qui, par suite, compliqueraient généralement les expressions totales.