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paraître singulière. Quoi de commun, dira-t-on, entre un mouvement et une idée, l’un étant un processus physique, l’autre un processus mental ? Je le répète, le mouvement entre comme élément, non dans les idées, mais dans le substratum anatomique des idées[1]. » Nous dirons à notre tour : Puisque le mouvement, fait physique, entre dans la conscience, c’est-à-dire devient psychique (par une transformation dont nous ignorons et dont il ne nous importe pas de connaître la nature), et entre comme élément dans ce tout complexe qui constitue une perception, le même élément psychique doit se retrouver aussi dans les images qui, n’étant que des perceptions affaiblies, supposent les mêmes conditions anatomo-physiologiques, les mêmes conditions psychologiques. L’idée d’une boule, par exemple, n’est-elle pas la résultante d’impressions de surface et d’ajustements musculaires particuliers ? On peut donc conclure que le groupe des idées visuelles et tactiles tout au moins — et ce groupe contient les principaux matériaux de nos connaissances — implique des éléments moteurs.

Restent les idées générales et abstraites, parmi lesquelles il faut distinguer deux classes : 1o celles qui sont assez simples pour se former sans l’aide du langage : elles existent chez les animaux supérieurs comme chez l’homme ; 2o celles qui sont trop complexes pour se former et se fixer sans les mots.

Il serait trop conjectural de vouloir déterminer le rôle des éléments moteurs dans les idées générales de la première espèce. La connaissance de leurs conditions physiologiques est insuffisante, et l’analyse idéologique n’y parviendrait pas. — Il n’en est pas de même pour les idées abstraites de l’ordre le plus élevé. Elles sont liées au mot, et le mot, soit réellement articulé, soit simplement remémoré, est un fait physio-psychologique où le mouvement entre comme élément essentiel. Nous pouvons donc nous y arrêter un peu, puisque nous voyons ici le mouvement pénétrer dans l’une des opérations supérieures de l’activité mentale. Sans nous inquiéter des maladies du langage ni de ce qu’elles pourraient fournir à une étude plus approfondie, examinons simplement le mot comme état de conscience ; par lui, nous saisirons le rôle des mouvements dans la formation des idées.

Il y a sur ce point une intéressante discussion de Bain et de Bastian, peu connue en France et qui nous semble cependant épuiser le sujet[2]. Pour Bain, le mot, considéré comme état psychique (tel

  1. Hughlings Jackson : Ouvrage cité, p. 33.
  2. Elle est contenue dans deux articles de Charlton Bastian publiés dans la Fortnightly Review, 1er janvier 1869 ; dans le Medical and chir. Review, janvier et avril 1869, et dans la réponse de Bain (Fortnightly Review, avril 1869). Il