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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

ad hoc, sur les dires et conclusions sommaires des rapporteurs et des gens du roi. Les greffiers avaient préparé un registre où se trouvaient par ordre les noms des détenus, les motifs de la prévention et le résumé de la procédure. Suivant qu’il y avait lieu d’user ou non d’indulgence, le premier président écrivait de sa main, en regard de chaque article, soit redde, soit maneat, — Redde était un ordre au geôlier de rendre, c’est-à-dire d’élargir le prisonnier commis à sa garde. — Après l’audience, des conseillers, précédés d’huissiers audienciers, allaient en corps à la conciergerie et prenaient place dans une salle disposée en tribunal pour la circonstance, et jonchée d’herbes odoriférantes, pour que « messieurs » ne fussent pas incommodés par l’air corrompu qu’on y respirait[1]. Alors on appelait les prisonniers à tour de rôle, on leur demandait s’ils avaient à se plaindre du concierge et des porte-clefs, puis, à ceux qui avaient paru graciables, on annonçait que la Cour les avait pris en pitié ; on réconfortait les autres par quelques bonnes paroles d’espérance et de consolation. Cette œuvre de charité s’appelait la redde, car le mot redde, qui en résumait l’esprit, avait fini par se franciser à la longue.

On ne sait pas jusqu’à quel point les décisions de la redde obligeaient les gens du roi. Il est certain qu’ils y déféraient à l’ordinaire ; qu’auraient-ils gagné à retenir les prévenus ? Ils n’étaient pas maîtres de les traduire une seconde fois devant la Cour qui les avait acquittés. Mais, s’ils voulaient les retenir ou du moins mettre empêchement à leur délivrance, les raisons ne leur manquaient pas : la fête était survenue avant que l’instruction fût terminée et le procès en état ; l’intérêt de la justice exigeait que le prisonnier restât encore sous leur main, ou que des restrictions fussent mises à sa liberté, etc.

Voilà très probablement les motifs que le procureur général avait fait valoir pour garder Pompeïo en prison après la redde de Noël 1618, car tout fait supposer que c’est à cette date qu’il aurait été absous. Mais ces motifs n’étaient pas les seuls et même n’auraient pas été les vrais. Ils n’auraient servi qu’à en pallier d’autres, tout personnels ceux-là, et où la passion avait part.

Depuis le commencement du procès, le premier des gens du roi, François de Saint-Félix d’Aussargues, éprouvait la joie sauvage du chat qui se joue de sa proie vivante. Il haïssait M. de Bertier-Montrabe d’une haine sans doute implacable, car elle durait encore en 1623[2] et mettait alors en péril le crédit et la fortune judiciaire du

  1. Lacombe, Traité de l’audience du Parlement de Tolose, manuscrit à la biblioth. de la Cour d’appel de Toulouse.
  2. Histoire manuscrite du Parlement de Toulouse.