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Le rapprochement peut être poussé plus loin. Comte a placé au sommet de la hiérarchie scientifique, mathématique, astronomie, physique, chimie et biologie, une science nouvelle, la sociologie, où les problèmes relatifs à la vie morale et sociale de l’homme sont traités par les procédés des sciences positives et ne peuvent être résolus sans le secours des sciences plus bas placées dans l’échelle scientifique. — De même, Sophie Germain, dominée par cette pensée que tous les faits, même les plus dissemblables, sont régis par des lois communes, que toutes les choses, même les plus différentes, ont entre elles des rapports d’ordre et de proportion, a rêvé d appliquer les formules mathématiques aux questions sociales et politiques. Il faut, sur ce point, citer ses propres paroles :

« L’analogie qui se fait remarquer entre les différents objets dont nous avons connaissance ne se borne pas à un seul point. On pourrait affirmer, par exemple, que la mécanique rationnelle tout entière offre avec les sciences politiques des ressemblances telles que les théorèmes dont se compose la première deviennent, par rapport aux secondes, des propositions dont la vérité est incontestable. Ainsi l’équilibre entre plusieurs forces vient de ce que l’action des unes est supposée de direction contraire et égale en puissance à celle des autres. Elles se composent et se décomposent ; elles produisent alors des résistances dans un sens qui n’est pas celui de leur action directe. La même chose a lieu à l’égard des forces qui naissent de l’état de société. Si elles sont opposées de direction et égales en puissance, l’état de repos se maintient de lui-même. Il y a de l’art à changer le sens dans lequel elles agissent, en leur opposant des obstacles. Le parallélogramme des forces pourrait servir d’emblème à ce genre d’adresse.

« Lorsqu’un système est en repos, cet état peut être dû à des conditions essentiellement différentes. Si une cause extérieure vient à agir sur le système, ou il tendra à reprendre sa position initiale, et l’équilibre se rétablira au moyen d’oscillations dont l’amplitude diminue à chaque instant ; ou bien le mouvement communiqué éloignera de plus en plus le système de sa position initiale, et ce système ne revient à l’état de repos qu’après être parvenu à une situation entièrement différente.

« Les deux cas d’équilibre stable et d’équilibre non stable se font également remarquer dans l’état social. On voit des causes propres à l’agiter, produire tantôt de légers mouvements qui cessent d’eux-mêmes, tantôt des révolutions complètes, qui ne permettent à l’état de paix intérieure de renaître qu’après de grands changements dans l’ordre social.

« Si l’on veut pousser la comparaison plus loin, l’analogie ne se démentira pas. L’équilibre stable a lieu lorsque tous les points du système ont atteint la situation qui convient à leur tendance naturelle. L’état de tranquillité est durable, lorsque tous les individus qui composent la société sont dans la situation qui convient à leur ten-