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ciences incomplètes et en voie de formation, chez les enfants, soit enfin et surtout dans les consciences achevées et régulières, chez les hommes d’un esprit sain et mûr ? Que faut-il donc pour constituer une science, si la psychologie intérieure n’en est pas une, avec la multitude de faits qu’elle recueille, avec les lois de succession, avec les rapports de causalité qu’elle établit entre ces faits ? Que dirait-on du botaniste qui s’emploierait exclusivement à parler de l’air que la plante respire, du sol où elle se nourrit, et qui négligerait d’étudier la vie propre de la plante dans ses organes et ses fonctions ? Il ne faut pas, parce que tout est lié dans la nature, méconnaître que tout est distinct. Ceux qui font la guerre à la méthode subjective, oublient que, sans la conscience, toutes les analyses cérébrales ne leur apprendraient rien des fonctions de l’esprit. M. Huxley lui-même n’est-il pas de notre avis quand il dit : « On aurait fort embarrassé M. Comte, si on lui avait demandé ce qu’il entendait par « physiologie cérébrale », en dehors de ce qu’on appelle communément psychologie, si on lui avait demandé encore ce qu’il savait des fonctions du cerveau, en dehors des renseignements fournis par cette « observation intérieure » qu’il traite de chose absurde[1] ? » Enfin, ce serait à tort que la psychologie nouvelle ferait un grief à l’ancienne de ne pas expliquer les phénomènes moraux. C’est à elle surtout qu’incombe ce reproche : car, à moins de faire de la métaphysique, et de la métaphysique matérialiste, les psycho-physiciens ne sont évidemment pas en état de donner la raison, l’explication des choses ; ils doivent se contenter de juxtaposer, dans leur parallélisme perpétuel, les deux séries de faits qu’ils observent, mouvements cérébraux d’une part, opérations mentales de l’autre. C’est bien là, si je ne me trompe, la position que s’efforcent de garder, en écartant toute explication substantielle, les philosophes de notre temps, qui, à l’exemple de Hume, considèrent comme présomptueuses et chimériques les recherches relatives à l’origine ultime des facultés humaines. Seulement, en même temps qu’ils empruntent à l’auteur du Traité de la nature humaine son dédain des spéculations métaphysiques, ils négligent de l’imiter dans ses efforts pour fonder une psychologie descriptive, indépendante de la physiologie et se suffisant à elle-même.

  1. Huxley, Hume, p. 52.