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compayré. — du prétendu scepticisme de hume


III


Quand on a montré que Hume avait un but et une méthode, qu’il voulait organiser une science de l’homme en même temps qu’il savait par quels moyens elle peut être constituée, il semble qu’on ait déjà plus qu’à moitié répondu à ceux qui verraient en lui le type de la nonchalance philosophique, promenant avec indifférence sa réflexion de problème en problème, pour les agiter seulement et y distraire un instant sa pensée, sans chercher jamais à les résoudre. Mais, pour que notre réponse soit complète, il faut passer des intentions de Hume à ses actes, et montrer qu’il n’a pas seulement projeté de construire, qu’il a construit en effet une psychologie, étroite sans doute et souvent inexacte, mais qui n’en offre pas moins un tout bien lié. Rien de plus injuste à cet égard que l’arrêt trop sommaire prononcé contre lui par un écrivain contemporain : « II n’y a rien de suivi ni de raisonné dans ses pensées. Elles se succèdent sans lien logique, sans connexion harmonique, comme les événements du monde qu’il a imaginé[1]. »

Le premier mérite de Hume est d’avoir contribué à éliminer de la psychologie la conception vicieuse qui intronise dans l’esprit, sous le titre de facultés indépendantes et distinctes, autant d’entités imaginaires. Ce legs et, comme le dit M. Huxley, « cette damnosa hæreditas de l’ancienne philosophie », Hume les répudie, et il s’efforce de s’en tenir aux résultats de l’observation seule, en excluant tout ce qui est hypothèse. Il est vrai que, si la justesse de son esprit critique l’empêche d’imaginer dans l’esprit ce qui n’y est pas, l’étroitesse de ses préjugés empiriques le privera d’y voir tout ce qui y est.

Le contenu de l’esprit, on le sait, se réduit, d’après Hume, à deux séries d’éléments, les impressions et les idées : les impressions, c’est-à-dire les sensations, les émotions de plaisir ou de peine et même les passions, « lorsqu’elles font leur première apparition dans l’âme » ; les idées, c’est-à-dire les images affaiblies des impressions. Les impressions et les idées seront simples, s’il est impossible de les analyser ; complexes, si l’on peut y distinguer plusieurs éléments. Les idées dérivent toujours d’impressions antérieures ; mais ou bien elles reproduisent ces impressions avec vivacité et dans l’ordre primitif : ce sont alors les idées du souvenir ; ou bien elles les renouvel-

  1. Papillon, Histoire de la Philosophie moderne, t. II, p. 21.