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lent avec une vivacité moindre et dans un ordre nouveau : ce sont les idées de l’imagination.

Telle est, d’après Hume, la géographie élémentaire de l’esprit. Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour en reconnaître les défauts et les lacunes ; mais il n’est que juste aussi de signaler l’importance de quelques-unes des distinctions établies par Hume, notamment de celle qui aux impressions et aux idées simples oppose les impressions et les idées complexes. L’analyse psychologique, dans son sens le plus rigoureux, repose toute entière sur cette distinction ; aussi sommes-nous étonnés que dans son Introduction, si précise et si complète, M. Pillon ait omis d’en parler. Remarquons aussi qu’elle a donné lieu à une méprise dans le livre pourtant si bien informé de M. Huxley[1]. L’auteur se plaint que Hume ait compté parmi les impressions des états manifestement complexes, comme les passions. « S’il avait connu, dit-il, cet admirable morceau de psychologie anatomique qu’on appelle la troisième partie de l’Éthique de Spinoza (les Passions), il aurait su que les émotions et les passions ne peuvent compter parmi les matériaux simples de la conscience. » Pour justifier Hume, sinon de l’ignorance historique, au moins de l’erreur de doctrine qui lui est imputée, il suffit de faire remarquer que les impressions ne sont pas nécessairement simples, la distinction du simple et du complexe s’appliquant aux impressions aussi bien qu’aux idées. « Les impressions de réflexion, dit Hume, c’est-à-dire les passions, les désirs, les émotions, » viennent en grande partie des idées[2]. » Il y a donc des impressions complexes, non moins que des impressions simples, impressions qui précèdent sans doute les idées qui leur correspondent, mais qui sont postérieures aux impressions de sensation ou aux idées de ces impressions. Qu’on relise d’ailleurs les chapitres consacrés par Hume à l’étude des passions, et l’on se convaincra qu’il savait aussi bien que Spinoza ce qu’il y a de complexe, de composé, d’hétérogène jusque dans les passions en apparence primitives.

Une critique mieux fondée est celle que s’est attirée Hume pour l’une des raisons qu’il donne de la différence de la mémoire et de l’imagination. Que l’imagination ait, comme il le dit, pour caractère de modifier l’ordre, d’altérer la forme des idées et des souvenirs qui servent de matériaux à ses fictions, nul n’y contredit ; mais ce qui n’est pas admissible, c’est que l’imagination ait moins de vivacité et de force que le souvenir. « En fait, dit M. Huxley, j’ai une idée

  1. Voyez le chapitre intitulé Les Éléments de l’esprit, p. 66.
  2. Hume, t. I, p. 22.