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leurs successives correspondantes, que prend une fonction de la variable indépendante, est elle-même une autre fonction de cette variable, ici considérée dans sa valeur limite , et l’intervalle qui sépare deux valeurs successives de cette seconde fonction est évidemment égal au produit ajouté en dernier lieu ; ainsi

.

Comme nous venons de la définir, cette fonction dépend en réalité non seulement de , mais encore de , puisque la somme des produits varie avec la valeur arbitraire de l’intervalle mais, quand cet intervalle décroît indéfiniment, cette fonction tend à en devenir indépendante, et on voit que, pour la connaître, il s’agit de trouver une fonction de , telle que le rapport limite des accroissements ou, comme disait Leibniz, le rapport des différences infiniment petites ou différentielles et , soit égal à la fonction connue .

La méthode de Leibniz, publiée vingt ans avant celle de Newton, était d’ailleurs loin d’être fondée sur des démonstrations rigoureuses ; elle ne faisait au fond que revêtir d’une forme symbolique définitive les contestables raisonnements (sur les indivisibles) par lesquels on essayait, depuis un demi-siècle, d’éviter les démonstrations par réduction à l’absurde, seules laissées comme modèles par les anciens pour les problèmes dont il s’agissait.

Mais, quelles que fussent les défectuosités du principe, l’algorithme triompha, grâce à sa grande supériorité, démontrée par le parti qu’en tirèrent surtout les Bernoulli, car, pour l’inventeur lui-même, les résultats mathématiques qu’il obtint ne sont rien en regard des travaux de Newton. Une preuve remarquable de l’infériorité des notations de ce dernier est qu’il commit une grave erreur pour la limite du rapport de la différence seconde, erreur qui saute aux yeux avec l’emploi de l’algorithme leibnizien.

Il était cependant essentiel d’asseoir sur un fondement inébranlable le nouveau calcul que l’on adoptait, et ce fondement ne pouvait être trouvé que dans le principe des limites ; mais la difficulté consistait à déterminer la véritable signification quantitative qu’il convenait d’attribuer aux symboles différentiels et .

C’est déplacer la question que de ne vouloir, comme M. Schmitz-Dumont, leur reconnaître qu’une signification qualitative, définissant la relation entre et  ; si ce point de vue peut être envisagé avantageusement pour des problèmes d’un ordre plus élevé, comme ceux auxquels donnent lieu les équations différentielles, il ne ferait que compliquer inutilement les raisonnements pour toute la partie primordiale du calcul.