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ANALYSESeucken. — Geschichte der phil. Terminologie.

de Schopenhauer, nous doutons qu’il satisfasse aussi facilement les exigences de ses compatriotes, dont les uns le trouveront très incomplet, ou trop sévère, ou trop indulgent, mais en général trop réservé ou pas assez explicite dans ses jugements. Cette remarque, quant à nous, s’applique surtout à la terminologie hégélienne, à laquelle l’auteur cependant consacre des pages d’un réel intérêt. On sait combien cette langue, non moins que la méthode et le système dont elle est partie intégrante, a soulevé de discussions, et quels reproches lui ont été adressés. Sans rentrer dans le débat, il eût été au moins à désirer que l’historien de la terminologie philosophique s’expliquât plus nettement à ce sujet et donnât des conclusions plus précises. Il est évidemment favorable à Hegel et à sa langue, dont il fait ressortir les mérites supérieurs. Il fait aussi très judicieusement observer que l’influence hégélienne sous ce rapport est loin d’avoir cessé, et que les sciences positives elles-mêmes empruntent à Hegel un grand nombre de leurs termes aujourd’hui consacrés et qui ont passé jusque dans la langue commune. Mais, s’il en est ainsi, pourquoi cette langue dans son ensemble a-t-elle été abandonnée ? n’est-ce pas qu’elle a des défauts qui ne sont pas seulement inhérents au système ? Pourquoi, en dehors des disciples fidèles tels que M. K. Rosenkranz[1], ce formalisme a-t-il été blâmé et souvent qualifié de jargon inintelligible ? Il est de fait que même en Allemagne on a senti la nécessité de rendre à la pensée sa liberté en la débarrassant de ces liens de fer, quoique forgés surtout de radicaux allemands, de briser cette armure qui gênait et paralysait ses mouvements, de parler un langage moins aride et moins abstrait, moins hérissé de termes techniques et de formules, et cela tout en maintenant à la science le droit de conserver sa langue propre et sa terminologie particulière. A-t-on eu tort ou raison ? M. Eucken nous paraît trop sobre d’explications à ce sujet.

Ce qu’il dit des autres écoles et de la langue de Herbart, de Schopenhauer, etc., malgré des observations fort justes, est aussi, selon nous, tout à fait insuffisant. Mais nous avons un autre reproche à lui adresser : c’est d’avoir omis à peu près complètement les écoles positivistes, qui aujourd’hui occupent une place si importante sur la scène philosophique en Europe, et dont les travaux, qui peuvent être diversement appréciés, fixent l’attention générale. Je parle surtout de l’École anglaise et de ses principaux représentants. N’y a-t-il pas là aussi, dans les écrits partout publiés et traduits en allemand comme en français, des penseurs justement célèbres de cette école (Stuart Mill, H. Spencer, etc.), toute une langue philosophique nouvelle ? Elle aussi méritait d’être examinée et appréciée. Quant à nous, cette langue, presque tout empruntée aux sciences physiques et naturelles, nous paraît devoir soulever de graves objections et donner prise à de sérieuses critiques. C’est l'analogie qui l’a créée et y domine en souveraine. La métaphore,

  1. Voy. Hegel als national Philosoph. — Hegel als Stylist, p. 232 et suiv.