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une métaphore scientifique il est vrai et non poétique, s’y est installée et en fait souvent tous les frais. Cela valait la peine non seulement d’être constaté, mais examiné, jugé, suivi dans ses effets et ses conséquences par rapport à la pensée scientifique et philosophique elle-même. Nous regrettons que M. Eucken, qui en dit à peine quelques mots au sujet de ses compatriotes, n’en ait pas fait l’objet d’un article spécial. Son essai, qui se termine brusquement par un tableau général de la terminologie dans les écoles de la philosophie allemande, eût mieux répondu à son titre, qui l’oblige d’être non détaillé, mais complet, de ne pas laisser après soi une lacune aussi importante. On trouve bien quelques phrases incidentes à propos de Schelling et de Herbart, qui ont aussi beaucoup abusé de cette méthode analogique et métaphorique introduite dans le langage de la philosophie (polarité, dimensions, etc.). Ce n’est pas assez, et nous regrettons vivement pour notre part que l’auteur n’ait pas dirigé de ce côté le regard de sa judicieuse critique.

Quoi qu’il en soit, le tableau, tracé d’une main peu optimiste, qui termine cette partie du livre, n’en garde pas moins son intérêt. Nous le livrons tout entier au lecteur, qui en jugera l’exactitude et la vérité.

« Ainsi ont apparu divers systèmes et diverses directions, qui prétendent à une domination simultanée ou successive. Mais aucun n’est parvenu à une supériorité durable. Cela se révèle dans la terminologie. Tous ces systèmes se font reconnaître par leur emploi général du langage scientifique, quoiqu’à divers degrés. Un certain syncrétisme y est incontestable, avec tous ses défauts et ses dangers. Sans doute les sciences spéciales, comme la logique et la psychologie, se réjouissent d’avoir une terminologie plus parfaite et plus fixe, mais celle-ci ne s’étend pas au delà du cercle des hommes livrés à ces spécialités. De même aussi se maintient chez les affiliés et les sectes une stricte observance et le parti pris d’écarter tout ce qui leur est étranger. Les termes dont ils se servent ressemblent aux petites monnaies qui n’ont de valeur que dans l’étroit domaine du pays où elles ont cours. Celui qui embrasse la philosophie dans son ensemble et dans ses rapports avec la vie générale, celui-là ne voit pas sans en être attristé les malentendus qui naissent de l’incertitude et de la confusion du langage. En particulier, chez nous Allemands, la diversité et l’opposition se sont tellement accrues et si bien pénétrées que le langage philosophique technique est à peine encore un moyen de s’entendre...

« Dans ces dernières années, les sciences naturelles ont exercé une influence beaucoup plus grande que la philosophie sur le langage scientifique général ; la philosophie en a reçu beaucoup plus qu’elle ne leur a donné. Quant à la vie générale, dans une telle situation, une rapide décadence des idées philosophiques était inévitable. Une grande excitation s’est produite dans les esprits, à laquelle personne ne peut se soustraire ; mais à ce mouvement manquait une direction assurée pour subordonner à un but fixe les recherches particulières. Aussi les