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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

tardé ; on n’eût pas eu besoin de chercher des témoignages pendant cinq mois. Les contemporains qui ont raconté le supplice de Vanini, le Mercure français en 1620, le président Barthélémy de Gramond en 1643, — on sait s’ils le ménagent ! — se seraient fait une joie d’imprimer cette flétrissure à sa mémoire. Le fougueux auteur de la Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps (1624), qui hait Vanini d’une haine mortelle, qui s’acharne sur ce nom avec une rage que nulle injure ne peut assouvir, le P. Garasse, c’est tout dire, lui aurait crûment reproché son infamie. Il était à même d’être bien informé car il avait fait son noviciat à Toulouse, et il y avait conservé des relations. Il n’aurait pas usé seulement d’insinuations ; il ne se serait pas borné à épiloguer sur une citation de Galien qui se trouve dans les Dialogues. — Pour le dire en passant, injures et croyances à part, c’est un écrivain charmant que ce jésuite. Il a un naturel rare, une simplicité originale ; il est tout plein d’images vives et de locutions imprévues. Sa foi, quand il se mêle de la raisonner, est si naïve qu’elle semble faite à plaisir pour amuser les sceptiques. Sa sincérité, que ses violences ont rendue justement suspecte, me paraît hors de question. Ainsi, s’il a répandu ou du moins accrédité le faux bruit que Vanini passait sa vie à changer de nom, il faut bien convenir que le pseudonyme de Toulouse l’induisait presque à suppose ? qu’il y en avait eu d’antérieurs. Pourquoi les biographes anciens qui l’ont copié en ce point ont-ils négligé de lui faire d’autres emprunts ? Un seul a recueilli tout ce qu’il rapporte de l’auteur des Secrets de la nature. C’est un fanatique d’une autre communion, David Durand ministre calviniste, pédant et pince-sans-rire, qui a tout l’air de ne frapper sur Vanini que pour atteindre l’illustre Bayle. Les nouveaux documents que je donnerai plus loin ne font guère plus que confirmer ce qu’avait dit le P. Garasse. Je m’étonne que M. Cousin, amoureux comme il l’était devenu des livres rares, du xviie siècle, et de l’orthodoxie catholique, n’ait pas voulu connaître le pamphlet peu commun du polémiste jésuite. Au lieu d’analyser ou de faire analyser longuement par un secrétaire les opinions religieuses de Vanini, et de leur distribuer, selon les cas, de bons ou de mauvais points, que ne s’est-il imposé la tâche de relever dans la Doctrine curieuse, dans l’Amphithéâtre et dans les Secrets de la nature les faits et les anecdotes qui y abondent ! Il nous aurait révélé, sans doute dès 1843, les mystères de la vie du faux Usiglio. Il avait à sa disposition tous les autres documents de la cause, qui manquaient à ses devanciers. C’est lui le premier qui a donné la grande publicité à la relation des annales de l’Hôtel-de- Ville de Toulouse, à l’épigraphe du buste de Catel, à l’arrêt du 9 février 1619. Avec de telles pièces en