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main, il aurait dû, suivant l’exemple de son maître Descartes, faire table rase de tout ce qu’on avait écrit avant lui. Il ne l’a pas osé, ou du moins il a cru avoir besoin encore, pour le tenter, de l’information judiciaire. On l’a vainement cherchée pour lui, cette information, en 1843. Je doute qu’elle existe encore, quoique l’ancien possesseur de l’exemplaire de la Doctrine curieuse qui se trouve à la bibliothèque de Toulouse en parle, dans une note, comme s’il l’avait vue. Peut-être la découvrira-t-on un jour parmi les 1500 mètres courants de sacs et de procédures que les greffes de l’ancien Parlement ont versés pêle-mêle aux archives de la Haute-Garonne. Mais, si l’on a cette bonne fortune, j’affirme d’avance qu’on ne trouvera pas dans ces reliques de l’ancienne justice ce qu’y supposait M. Cousin. L’illustre philosophe vivait sans y penser en plein régime de publicité. Habitué à voir les sténographes recueillir dans les chambres les discours de la droite et de la gauche, dans les tribunaux, les réquisitoires du ministère public et les plaidoiries des avocats, il n’avait pas fait réflexion que les choses ne se passaient pas ainsi dans les Parlements du xviie siècle. Tout entier au temps présent, il s’imaginait donc qu’il pourrait lire dans la procédure et le rapport de Guillaume Catel et sa réplique au discours de Vanini. Comme on voit, cet admirable orateur rêvait tout éveillé de tournois oratoires. Il est juste d’ajouter qu’il n’a pas tiré cette erreur de son propre fonds ; il l’a prise toute faite dans une communication du véridique M. Dumège[1].

En réalité, si Catel a fait un rapport écrit, ce qui n’est pas bien sûr, il n’a certainement pas engagé avec Vanini, assis sur la sellette, une lutte d’éloquence. Les formes de la justice dans la Grand’chambre du Parlement différaient du tout au tout de celles qu’on observe dans nos cours d’assises : il n’est pas inutile de le répéter. Mais là n’est pas la question. Je reviens à mon dire : telles étaient les circonstances de la cause, que ni les interrogatoires du prévenu, ni les dépositions des témoins, ni les confrontations, ni l’exposé du rapporteur, ni le réquisitoire du procureur général ne pourraient nous apprendre rien de bien nouveau, rien surtout de bien essentiel. Nous connaissons en effet les chefs d’accusation ; nous n’ignorons pas les dires du principal témoin ; nous avons par Gramond une idée de l’attitude de l’accusé devant la poursuite et de son système de défense ; nous pouvons lire enfin dans les registres de la Cour l’arrêt de condamnation qui résume tous les documents de

  1. M. Belhomme, qui envoya cette communication à M. Cousin, était un ancien élève de séminaire dont on avait fait un archiviste. En 1842, il avait encore une foi aveugle en M. Dumége : il le jugea mieux depuis.