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des relations naturelles entre ces organes, d’où résultent des fonctions composées : intérêts, émotions, perceptions, associations logiques. Le caractère commun de ces fonctions fondamentales est celui-ci : chacune d’elles est la résultante de l’activité d’un organe défini, ou de la coopération fixe, invariable, de certains organes. De ce genre sont les opérations instinctives des animaux.

Il y a pourtant bien autre chose. Empoigner, déchirer, gratter, ne sont que des modes de préhension ; couper, coudre, dessiner, écrire, jouer du piano, supposent une coopération, non plus spontanée, mais intelligente et réfléchie d’organes divers, Lewes demande qu’on distingue ces formes d’activité acquises des formes héréditaires et natives, en appelant celles-ci des fonctions et celles-là des facultés. Une faculté, c’est une fonction spécialisée, essentiellement modifiable et temporairement manifestée par l’action coopérative de plusieurs organes. Deux fonctions réunies donnent naissance à une faculté, et à un degré plus haut il y a, cela va de soi, des facultés de facultés. Chaque fonction a son organe défini ou groupe d’organes, et elle en est l’énergie constante ; chaque faculté a aussi son groupe spécial d’organes, mais n’en est que la synergie temporaire. Lewes tire de là cette double conséquence : 1o que les tentatives pour localiser les diverses facultés dans certaines régions définies des circonvolutions cérébrales sont irrationnelles ; 2o que la supériorité de l’homme sur l’animal est à la fois fonctionnelle et acquise. Le singe a en effet une main presque semblable à celle de l’homme, mais les facultés du singe no sont pas la cinquantième partie des facultés exercées par la main de l’homme.

Ainsi la similitude anatomique d’organes homologues chez deux individus différents d’espèce entraîne la similitude de la fonction simple ; les fonctions composées supposant des relations définies entre plusieurs organes, la différenciation des relations explique la spécificité des instincts dans toute l’échelle animale. Au reste, les fonctions simples et les composées étant fixes, constantes, l’analyse physiologique peut en déterminer les conditions organiques, ce qu’elle ne peut faire lorsqu’il s’agit des facultés.

Pourquoi ? C’est que l’organisme n’est pas le seul agent de la vie psychique ; l’expérience en est un autre, capable de complications infinies. En ce qui concerne les fonctions invariablement liées à l’activité des organes, leur mode d’action peut s’exprimer en termes objectifs ou subjectifs, le côté mécanique et le côté logique étant le double aspect d’un même fait. Jusque-là, le mécanisme intellectuel est en même temps un mécanisme organique : le facteur est constant, la fixité des fonctions étant assurée par la fixité de structure anatomique. Mais, à côté de ce mécanisme que le physiologiste étudie de concert avec le psychologiste, il y a un autre facteur, celui-là variable et capable de progrès, que Lewes appelle « l’expérience ». « Expérience désigne à la fois les modifications et dispositions flottantes de structure, et la variabilité correspondante des facultés, leur développement progressif. Dans