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ANALYSESlange. — Histoire du Matérialisme.

grandissent démesurément. Nous ne pouvons pas, comme lorsqu’il s’agit de systèmes morts, traiter chaque auteur suivant son importance, l’étudier dans une juste mesure, le mettre à sa vraie place. Ces critiques, qui s’adressent à l’historien, ne diminuent d’ailleurs en rien l’intérêt du livre. Il y a, au contraire, plaisir et profit à lire un résumé .des discussions contemporaines fait par un esprit net, sincère et par un écrivain bien informé.

Le premier chapitre, consacré à Kant, est substantiel. L’auteur, l’un des principaux représentants du neokantisme, comme on le sait, a bien indiqué la position de son maître à l’égard du matérialisme. Nous signalerons, comme particulièrement intéressante, une discussion de la théorie de Stuart Mill sur les axiomes mathématiques ramenés à des propositions identiques (p. 20 et suiv.).

Après Kant, le matérialisme philosophique est représenté par quelques membres de l’extrême gauche hégélienne (Feuerbach, Max Stirner, etc.) et par Moleschott, Büchner, Czolbe. Lange consacre à chacun de ces auteurs un exposé critique. Les pages sur Czolbe (p. 127 et suivantes) sont particulièrement intéressantes pour nous. L’auteur du Nouvel exposé du sensualisme est peu connu en France. Il mériterait de l’être ; car il a essayé, même après Kant, de démontrer l’accord du monde réel avec le monde de nos sens, ou du moins de rendre cet accord vraisemblable, et dans la démonstration de sa thèse il a montré une véritable originalité. — On en peut dire autant à propos d’Ueberweg, que Lange range parmi les matérialistes. Par son Histoire de la philosophie et sa Logique, Ueberweg s’est acquis dans son pays une légitime réputation, qui ne lui a manqué en France que faute d’un traducteur. Il semble bien cependant, d’après le témoignage de Lange, que le fond de sa pensée n’a pas été livré au public. Ce fond intime, on peut le trouver dans l’ouvrage qui nous occupe, et c’est d’après des conversations quotidiennes et une correspondance particulière que Lange nous le fait connaître (p. 541-558).

L’Histoire du matérialisme n’est pas d’ailleurs, comme on pourrait le supposer par ce qui précède, une exposition non coordonnée d’auteurs et de systèmes : Lange suit, au contraire, un ordre irréprochable. Il étudie le matérialisme dans ses rapports avec les sciences physiques, les sciences de la nature, les sciences morales et la religion. Les découvertes et les théories contemporaines sont examinées par lui en critique. Son but avoué est de répondre à cette question : Y a-t-il à tirer de ces vues nouvelles quelques raisons pour ou contre la conception matérialiste du monde ? Il étudie ainsi les nouvelles doctrines chimiques, la cosmogonie d’après la science de la nature, le darwinisme et la téléologie.

La troisième partie, l’une des plus intéressantes du livre, est consacrée à l’anthropologie, aux travaux récents sur le cerveau (localisations cérébrales, etc.), à la psychologie et à la physiologie des organes des sens. On y trouvera de très bonnes pages sur les premiers essais